ANALYSE DU 9 DECEMBRE 2010
Depuis le 9 juillet 2010, l’affaire ReDéMaRe (Réseau pour le Développement de la Masse sans Ressources) est venue s’ajouter à la longue liste de dossiers économiques et judiciaires, où le Gouvernement RPT/AGO se distingue en privilégiant l’arbitraire et l’abus du droit, pour justifier un hold-up économique sur les populations togolaises, privées d’accès au crédit, plus particulièrement celles qui sont dans les zones rurales et actives dans l’agriculture.
ReDéMaRe est un Groupement d’Intérêt Economique (GIE) avec environ 44.809 adhérents dont 43.320 personnes physiques et 1.489 personnes morales. Le GIE ReDéMaRe a comme Administrateur Monsieur Essohamlom SAMA. Jusqu’à ce que le Gouvernement RPT/AGO ne fasse de l’ingérence unilatérale dans les affaires de cette structure de droit privé, aucun adhérent du GIE ne s’est présenté sans être satisfait, à l’un des multiples guichets répartis sur l’ensemble du territoire pour déposer son épargne ou obtenir un prêt dans le cadre de toute opération régulière et courante. Autrement dit, tous les adhérents ont toujours obtenu satisfaction, c’est cela qui explique qu’à ce jour, aucun membre de ReDéMaRe n’ait porté plainte contre l’Administrateur, agissant dans l’intérêt de ses membres et de la collectivité pour la création de richesses à partir du développement des capacités productives locales. ReDéMaRe ne servait en fait que de fonds de roulement aux adhérents pour promouvoir une activité génératrice de revenus et d’emplois.
1. LE DROIT DES AFFAIRES REGIONAL SUPERIEUR A L’ARBITRAIRE DU DROIT AU TOGO
Le Togo est signataire du traité instituant l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) avec les quinze (15) autres Etats suivants : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte-d’Ivoire, Gabon, Guinée Conakry, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad. Le traité OHADA a pour objectif principal de favoriser au plan économique le développement et l’intégration régionale ainsi que la sécurité juridique et judiciaire du monde des affaires. Ce traité a mis en pratique la subsidiarité qui institue la primauté des Actes uniformes sur le droit national sauf dans le domaine de la fiscalité qui reste un domaine réservé à une décision nationale.
L’acte uniforme adopté dans le cadre de l’OHADA du 17 avril 1997 relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE est applicable au Togo. Il convient de rappeler les Actes Uniformes du 10 avril 1998 portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, l’Acte Uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif et l’Acte Uniforme du 11 mars 1999 relatif au droit de l’arbitrage.
Lesdits traités instituent la primauté des Actes Uniformes au niveau régional sur le droit national et leur applicabilité directe. Toutefois, il ne s’applique pas à la fiscalité qui est un domaine réservé des Etats Parties au traité.
Les Groupements d’Intérêt Economique (GIE) font partie des formes de sociétés commerciales prévues dans le cadre de l’OHADA 1. Aussi, selon l’OHADA, le GIE :
- est défini comme une structure ayant exclusivement pour but de mettre en œuvre, pour une durée déterminée, tous les moyens propres à faciliter ou à développer l’activité économique de ses membres ainsi qu’à améliorer ou accroître les résultats de cette activité ;
- n’a pas vocation à réaliser et à partager par lui même des bénéfices, doit avoir un objet qui se rattache essentiellement à l’activité de ses membres et qui ne peut être qu’auxiliaire à celle-ci ;
- peut être constitué sans capital social et il a la personnalité juridique, à compter de son immatriculation au Registre du commerce et du crédit mobilier (obligatoire) ;
- se constitue sur la base d’un contrat dans lequel se détermine librement son organisation et son fonctionnement ; il est soumis aux mêmes formalités de publicité que les sociétés commerciales ;
- est administré par une ou plusieurs personnes physiques ou morales qui, vis à vis des tiers, disposent de tous pouvoirs pour agir en son nom, dans la limite de son objet ;
- a des membres qui ont des obligations vis à vis des tiers, indéfiniment et solidairement tenus des dettes du groupement, sauf conventions contraires conclues avec les cocontractants ;
- est tenu à une gestion saine et ses comptes sont contrôlés par un ou plusieurs contrôleurs de gestion et commissaires aux comptes ;
- peut se constituer à partir et uniquement entre Sociétés anonymes qui remplissent les conditions requises pour émettre des obligations, peuvent eux-mêmes, émettre des obligations.
Le GIE ReDéMaRe n’est donc ni une société anonyme (SA), ni une société à responsabilité limitée (SARL), ni une société en nom collectif (SNC), ni une société en commandite simple (SCS), ni une société en participation encore moins une société de fait. Il s’agit d’un aspect particulier du droit des sociétés commerciales. Tout procès contre le GIE ReDéMaRe peut avoir lieu mais doit respecter les formes et procédures en vigueur et doit donc se faire devant le tribunal de 1ère instance en charge des affaires commerciales. L’Etat togolais, arbitrairement a choisi de se mettre hors la loi en se substituant à l’autorité juridique. L’Etat togolais s’est donc octroyé le rôle de « juge et partie », violant ainsi les dispositions régionales OHADA et refusant de fournir jusqu’à ce jour un ou des motifs précis de sa décision de suspendre brutalement et unilatéralement les activités du GIE ReDéMaRe. Celui-ci faisait vivre de nombreuses personnes au Togo dont de nombreux Togolais actifs dans l’agriculture et dans l’armée togolaise.
Une procédure en référé devant le tribunal d’instance de Lomé, la chambre commerciale, aurait permis de respecter le droit et permis à la défense de s’organiser pour combattre l’arbitraire et faire jaillir la vérité des comptes. Le gouvernement a-t-il donc peur de la vérité des comptes dans l’affaire ReDéMaRe ? Certainement, puisque tout est fait pour que ni les médias, ni la défense du GIE ReDéMaRe, ne puissent offrir tout l’éclairage et la lumière nécessaire sur ce dossier où l’Etat pourrait se révéler être celui qui usurpe les facilités de crédit offertes et l’épargne des pauvres.
2. OHADA, ETAT TOGOLAIS ET GIE REDEMARE : INTERDICTION DE POURSUITE INDIVIDUELLE
Le 20 juillet 2010, l’Etat togolais, au mépris de la réglementation OHADA qu’il a lui-même signée, a inculpé Monsieur Essohamlom SAMA, Administrateur du GIE ReDéMaRe, à la prison civile de Lomé, sur la base de présomption non vérifiable de « tentative d’escroquerie et de faux et usage de faux en écriture publique » selon les articles 4, 107 et 174-5 du code pénal.
Pourtant la constitution togolaise dans son article 18 relaye et conforte l’article 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme selon laquelle la « présomption d’innocence » prime sur les présomptions non motivées et non vérifiables du Gouvernement togolais.
Les faits de fausses déclarations reprochés à Essohamlon SAMA se rapportent à la constitution du GIE ReDéMaRe. L’Acte Uniforme OHADA relatif au droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d’Intérêt Economique ayant prévu en la matière des infractions, c’est à tort que le gouvernement togolais a cru devoir appliquer à l’Administrateur de ReDéMaRe les dispositions de l’article 174-5° du code pénal.
Les incriminations généralement visées par l’Acte Uniforme sont intentionnelles. Elles supposent, à la lumière de ce qui est reproché à monsieur Essohamlon SAMA, la mauvaise foi de l’auteur. La plupart de ces infractions notamment en matière de constitution de société, telle dans le cas d’espèce, sont classiques et initialement prévues par les articles 13, 14 et 15 de la loi de 1867 (délits concernant la souscription et la déclaration de versements, ceux concernant l’émission ou la négociation d’actions).
Les Administrateurs des GIE, personnes physiques ou représentants permanents des personnes morales, engagent leur responsabilité civile et pénale dans les mêmes termes que les Administrateurs des Sociétés Anonymes (articles 421, 740 à 743). Une lecture des dispositions de l’article 879 dudit Acte Uniforme ne permet pas de douter de cela. Mais il n’est nulle part mentionné que les prétendues irrégularités intervenues dans la constitution du GIE ReDéMaRe sont susceptibles d’être analysées comme une infraction de nature à conduire monsieur Essohamlon SAMA en prison.
Du reste, le législateur communautaire ne renvoie aux législations des Etats parties, que pour ce qui concerne les sanctions applicables.
Le Gouvernement togolais est donc actuellement incapable de prouver qu’il y a eu infraction et d’en apporter la preuve. Il ne lui reste donc qu’à donner plein effet à l’article 112 du code togolais de procédure pénale qui dispose que « la détention préventive est une mesure exceptionnelle » et suppose que des règles strictes doivent être observées. En effet l’article 113 du Code pénal dispose « qu’en matière correctionnelle, lorsque le maximum de la peine prévue par la loi est inférieure à deux ans d’emprisonnement, l’inculpé domicilié au Togo, ne peut être détenu plus de 10 jours après sa première comparution devant le Juge d’instruction s’il n’a pas déjà été condamné soit pour un crime, soit à un emprisonnement de plus de trois mois sans sursis pour délit de droit commun ».
Mais voilà où réside l’arbitraire et l’abus de droit du Gouvernement togolais ! Monsieur Essohamlom SAMA, Administrateur du GIE ReDéMaRe n’a jamais été condamné pour crime et n’a jamais été emprisonné. Ainsi, au lieu de 10 jours de détention préventive, le Gouvernement togolais, en tout abus de droit et de pouvoir, a unilatéralement décidé d’étendre à une date inconnue, la détention provisoire sans d’ailleurs donner les raisons de la mise en détention.
Par ailleurs, le Gouvernement n’offre aucun argument permettant de justifier et prouver que Monsieur Essohamlom SAMA aurait participé de près ou de loin, directement ou indirectement, à des faits de blanchiment d’argent. C’est pourtant sous cet argumentaire que le Gouvernement RPT/AGO a décidé unilatéralement et sur la base de rumeurs de geler les avoirs du GIE ReDéMaRe et d’ordonner mainlevée après des investigations dont les méthodes et procédures sont très éloignées d’un processus transparent visant à faire éclater la vérité. Il était donc impossible au Gouvernement d’imputer une amende variant entre 20 000 et 100 000 FCFA pour une infraction que le Gouvernement n’arrive pas à prouver et il se rétracte derrière la loi du plus fort. Sans infraction et sans irrégularité avérée, l’Administrateur du GIE ReDéMaRe doit être libéré pour absence de preuves de la part du Gouvernement RPT/AGO. La présomption d’innocence prime et les délais de détention préventive sont largement dépassés. L’Administrateur du GIE ReDéMaRe doit retrouver sa liberté et se voir offrir les chances de contester la décision arbitraire et unilatérale et sans explications convaincantes du Gouvernement RPT/AGO.
3. ZONES D’OMBRES ET BOUC EMISSAIRE
Ainsi, sans que la moindre clarté ne soit venue éclairer les véritables motifs qui ont justifié la suspension des activités du Groupement d’Intérêt Economique (GIE) ReDéMaRe, la gouvernance par décret pris en Conseil des Ministres 2a conduit de fait à la fermeture d’un établissement qui fonctionnait comme un collecteur de capitaux d’investissement et de soutien à des Togolais et Togolaises pour redémarrer dans la vie et créer des richesses. L’originalité résidait donc dans la capacité à accompagner les adhérents et clients dans leurs projets de création de richesses. Ainsi, la plupart des adhérents privés d’accès au crédit ont pu se relever économiquement et retrouver leur dignité. En filigrane, c’est la capacité de ReDéMaRe à financer et orienter l’épargne des citoyens togolais vers des activités génératrices de revenus et d’emplois qu’il y a lieu de préserver et que le Gouvernement est en train de tuer.
Dans une précédente analyse du CVU du 22 septembre 2010 3, le gouvernement RPT/AGO a été interpellé sur l’interventionnisme assez peu orthodoxe de l’Etat : « Une affaire dans laquelle l’Etat refuse pour le moment de laisser un procès se dérouler, afin que les nombreuses zones d’ombre relatives aux responsabilités partagées, les complicités non révélées…ne soient révélés au grand jour. Le système du RPT/AGO abuse de l’interventionnisme étatique pour promouvoir les « angles morts » de la vérité des comptes publico-privés au Togo »…« La société ReDeMaRe a été fermée sur la base de présomptions, et son principal dirigeant enfermé plus pour qu’il ne parle pas que pour protéger les épargnants…».
Le fait qu’à partir du 15 novembre, certains adhérents, sur décisions arbitraires et non-transparentes du Gouvernement, puissent progressivement commencer à récupérer une partie de leurs fonds, change-t-il quelque chose à l’évolution de l’affaire ? Comment se fait-il que les adhérents aient dû attendre plus de 129 jours pour récupérer partiellement leurs fonds ? Pourquoi l’Etat togolais gère-t-il ce dossier dans la plus grande opacité ? La relation fondée sur des rumeurs, entre l’expérience récente malheureuse de certains pays voisins où les citoyens ont été spoliés, ne peut à elle seule servir de justificatif pour suspendre l’activité d’une structure qui a sa raison d’être économique, et qui vient compléter la défaillance de l’Etat en matière de soutien à la création d’emplois et de création de pouvoir d’achat. A ce titre, ReDéMaRe contribue plus que d’autres à soutenir les objectifs du millénaire du développement consistant à réduire de moitié l’extrême pauvreté à l’horizon 2015. Le Gouvernement togolais serait-il contre ceux qui défendent les intérêts des pauvres ?
De très nombreuses questions restent sans réponse, six mois après le début de cette affaire! Nous en posons une nouvelle fois quelques unes avec pertinence, afin de montrer que de trop nombreuses zones d’ombre subsistent et les pressions discrètes sur les adhérents pour venir prendre une partie ou tout de leur capital d’investissement ne saurait cacher la disparition d’une partie importante de fonds dont la responsabilité incombe à ceux qui ont choisi de ne pas passer par un tribunal compétent pour clarifier les difficultés passagères et éventuelles du GIE ReDéMaRe. Il n’est pas possible dans un Etat de droit, sauf au Togo, qui à ce titre n’est pas un Etat de droit, de créer unilatéralement des zones d’ombres sur la gestion d’un GIE tel que ReDéMaRe, d’en profiter pour distribuer les sommes trouvées en caisse sur une base arbitraire, et tenter de coller la responsabilité au seul Administrateur, ceci en tout non-respect de l’Acte Uniforme de l’OHADA, des procédures pénales et civiles au plan national et au mépris des conventions internationales et des droits de l’homme, puisque Monsieur Essohamlom SAMA serait torturé dans des cellules spéciales.
Il est demandé aux institutions de protection des droits humains d’intervenir, notamment Amnesty International en appui avec la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme, et toutes institutions protégeant les droits des citoyens en général, des Togolais en particulier. Le Gouvernement togolais ne peut cacher son appropriation des biens du GIE ReDéMaRe sur la base de rumeurs et explications sans fondements. Il ne peut utiliser l’Administrateur SAMA comme un bouc-émissaire, privé de ses droits les plus élémentaires, tant pour assurer sa défense personnelle que pour assurer la défense des nombreux Togolais et Togolaises qui bénéficiaient de son système de collecte de capitaux d’investissement et d’ouverture de crédit, sur la base d’un projet générateur d’emplois et de revenus.
Il importe de corriger les inexactitudes qui circulent sur les activités de ReDéMaRe. Ce GIE bénéficiait d’une autorisation administrative pour fournir des services à la population avec une priorité pour la distribution des produits de consommation courante et les prestations diverses dans le domaine social y compris l’accès au crédit pour les populations marginalisées au Togo. Aussi, les opérations de recyclage de capitaux des adhérents qui relèvent de facilitations financières sont parfaitement légales et rentrent dans les attributions du GIE ReDéMaRe.
4. UNE NATIONALISATION DU GOUVERNEMENT RPT/AGO QUI NE DIT PAS SON NOM ?
Au moment où le gouvernement togolais a prononcé unilatéralement la fermeture, le Ministre de l’Economie et des Finances AYASSOR annonçait qu’il restait 5 milliards de F CFA dans les caisses de ReDéMaRe. Cela ne ressemble pas à une situation de faillite ou de cessation de paiements ! Alors qu’aucun adhérent du réseau n’a déposé de plainte en justice contre ReDéMaRe et souhaite au contraire continuer les services d’utilité publique rendus par ce GIE, il faut bien constater qu’il y avait de l’argent dans les caisses et que ReDéMaRe n’était donc pas en faillite. Aucun membre n’a demandé le remboursement de son épargne ou contribution auprès du GIE ReDéMaRe. Ce constat est corroboré par le Collectif des Adhérents de ReDeMaRe qui déclarait au mois de septembre : «Les membres déclarent ne pas être prêts à demander le remboursement de leurs sous. S’il doit y avoir remboursement, cela doit se faire avec la collaboration des responsables de ReDéMaRe ». Clairement, les adhérents de ReDéMaRe considèrent que le risque de spoliation n’est pas du côté des dirigeants de ReDéMaRe, mais bien des agissements du Comité Intersectoriel dit « d’Experts » mis en place par le Gouvernement RPT/AGO pour gérer ce dossier.
Ainsi, avec la principale décision prise en Conseil des ministres le 9 juillet 2010 retirant la carte d’autorisation de ReDéMaRe sur la base de la décision 025/MCTSP/2010, l’argumentation développée par le Gouvernement RPT/AGO est loin de répondre aux interrogations et aux craintes légitimes des adhérents du réseau et des observateurs indépendants de ce dossier. Le Gouvernement a décidé depuis cette date de suspendre les activités du GIE ReDéMaRe sur toute l’étendue du territoire national. Le seul argument utilisé repose sur des présomptions que ce que fait ReDéMaRe ne peut qu’être équivalent à des malversations effectuées ailleurs notamment :
- l’expérience passée de structures de financement dans lesquelles le promoteur principal a disparu après avoir escroqué les adhérents et plus particulièrement le cas d’un pays voisin où les citoyens ont été spoliés d’environ 100 milliards de FCFA ;
- L’expérience malheureuse aux Etats-Unis de l’affaire Bernard MADOFF qui a participé à l’aggravation de la récente crise financière mondiale et fait perdre plusieurs milliards de dollars américains (environ 50 milliards de $US) aux épargnants.
Le GIE ReDéMaRe avait en dépôt autour de 34 millions de $US soit (18 658 603 338 F CFA), ce qui ne peut être comparé à l’affaire MADOFF où 50 milliards de $US ont réellement disparu. Si le cas MADOFF relevait effectivement de l’escroquerie, le GIE ReDéMaRe aurait réussi la prouesse de distribuer sous forme de prêts près de 11 milliards de F CFA (exactement 10 976 037 583 F CFA) destinés principalement à des activités génératrices de revenus et d’emplois. Par ailleurs, les comptes du GIE présentaient un solde positif réel disponible de près de 5 milliards de F CFA (4 832 795 274 F CFA exactement) au moment de la suspension unilatérale par le Gouvernement.
Autant de raisons qui peuvent inciter à conclure à une véritable opération de nationalisation unilatérale de la part du Gouvernement RPT/AGO et de destruction d’une capacité institutionnelle génératrice de richesses. Le Gouvernement togolais, sur la base de l’arbitraire a choisi de spolier une partie des Togolais et Togolaises qui réclament la vérité des comptes de ReDéMaRe. En procédant à une distribution selon des règles elles-mêmes opaques alors que le GIE n’est pas en soi dissous ou fermé mais simplement suspendu, l’Etat togolais méprise les dirigeants togolais qui tentent de pallier à la défaillance de l’Etat et de plusieurs années d’une mauvaise gouvernance économique qui a été incapable de réduire la pauvreté endémique dans le pays.
ReDéMaRe a été empêché de continuer à se mettre au service des populations les plus vulnérables. Le Gouvernement en profite pour détruire toute tentative de soutien à l’émergence de capacités productives. De là, parler d’un véritablement détournement doublé d’abus des droits humains et de violence perpétuée sur la personne de l’Administrateur Essohamlom SAMA dans la prison civile de Lomé, alors qu’il est au pain sec et à l’eau polluée, pose le problème du rôle de l’Etat dans une démocratie palliative, où les instruments de l’Etat servent à préserver les intérêts de ceux qui détiennent la force et les armes. La communauté internationale si prompte à réclamer le respect des droits humains et la bonne gouvernance est bien silencieuse. Ce véritable détournement basé sur une décision arbitraire de l’Etat mérite une enquête. Les parlementaires togolais ne peuvent se permettre de l’envisager, ils sont en crise. Les militaires togolais non républicains ne peuvent se permettre de parler, ils sont aux ordres d’un système où la loi du silence règne en maître jusque dans les obédiences secrètes et occultes. L’Etat, l’ombre de lui-même, n’est au service que d’une minorité qui gouverne d’abord pour contrôler et s’accaparer les richesses du pays, d’où qu’elles puissent émerger.
Au moment où la société a été suspendue, elle n’était pas déficitaire ! Où sont les comptes négatifs de ReDeMaRe, pour justifier un tel acharnement à l’égard de son Administrateur principal qui a le seul tort de vouloir aider ceux que l’Etat togolais a oublié au point de les mépriser ? La vérité, paradoxalement, tient dans l’absence de compréhension du processus économique qui permet de générer de la richesse en transformant l’épargne en investissement par la magie de l’accès au crédit. Mais, cela s’apprend à l’école et non au Gouvernement. Le juge compétent qui aurait pu expliquer tout ceci n’est même pas reconnu recevable, puisque le Gouvernement, afin d’éviter que la vérité ne se sache, refuse malgré une décision judiciaire récente favorable, de libérer l’Administrateur Essohamlom SAMA. ReDéMaRe est l’objet d’un véritable hold-up économique de la part de l’Etat. Si l’Etat souhaite la preuve du contraire, il n’a qu’à stopper son attitude qui consiste à être juge et partie dans ce dossier et laisser la défense porter l’affaire devant les tribunaux compétents, afin que la vérité, la vraie, pas celle de l’Etat RPT/AGO, soit promulguée.
5. POURQUOI LA JUSTICE TOGOLAISE N’EST-T-ELLE PAS EN CHARGE DE CE DOSSIER ?
Les adhérents de ReDeMare sont à juste titre très inquiets des pratiques du Comité Intersectoriel dit d’Experts nommé par le Gouvernement pour la circonstance, lorsque au mois d’octobre, ils ont vu ce comité commencer par prélever une somme de cent (100) millions de FCFA sur les fonds déposés par les adhérents, comme «Frais de gestion, d’expertise et imprévus ». Ces frais ont été enlevés avant même d’avoir annoncé le plan de remboursement de certains membres du GIE ReDéMaRe et sans justifier des pondérations qui profitent à certains plus qu’à d’autres 4.
Cette inquiétude fut confirmée lorsque les adhérents ont pris connaissance de la clé de répartition des remboursements établie par le Comité Intersectoriel dit d’Experts de la manière suivante :
- Adhérents n’ayant perçu aucune mensualité : 74,28% du solde ou du dépôt,
- Adhérents ayant perçu une mensualité : 68,69% du solde,
- Adhérents ayant perçu deux mensualités : 60% du solde,
- Adhérents ayant perçu trois mensualités : 44,60% du solde,
- Adhérents ayant perçu quatre mensualités : 10% du solde.
Celle-ci laisse augurer un large différentiel entre le solde positif effectivement récupéré dans les comptes de la société et les remboursements dont bénéficieront effectivement les déposants, à la fin des opérations. Par ailleurs, sur un autre point capital en termes de justice, le même Comité Intersectoriel dit d’Experts ne pousse pas la logique économique jusqu’au bout. Il ne donne aucune précision pour savoir comment seront récupérés les 10 976 037 583 F.CFA de capitaux consommés jusqu’ici, et surtout ne mentionne pas jusqu’à présent le nom des bénéficiaires.
Il s’agit là d’une très grave lacune. N’importe quel Tribunal indépendant aurait commencé par poser cette question et y aurait apporté une réponse. Mais, il semble que le Comité Intersectoriel dit d’Experts considère ce point comme mineur et s’en exonère, du moins jusqu’à maintenant. Ce comité établi unilatéralement par le Gouvernement RPT/AGO n’a de comptes à rendre à aucune Cour de justice, mais au seul Gouvernement togolais qui a décidé de manière unilatérale et non-contradictoire la suspension-cessation d’activités de ReDéMaRe. Le Gouvernement togolais construit donc un système judiciaire parallèle où il est juge et partie et berne ainsi la communauté internationale et la justice internationale, qui se laissent piéger par cette justice palliative où les apparences sont sauves dès lors que l’on désigne un bouc-émissaire en la personne de l’Administrateur Essohamlom SAMA.
Même libérée, une personne bénéficiant d’une présomption d’innocence et avec aucune plainte de la part des adhérents, aucune infraction, aucune fraude, aucune illégalité prouvées par le Gouvernement, continue à poser un problème dans un Togo où la justice est bafouée par des abus de droit. La popularité même de l’Administrateur Essohamlom SAMA conduit le Gouvernement RPT/AGO à isoler le faux accusé dans la partie de la prison civile de Lomé réputée pour ses tortures, ses humiliations et ses vexations les plus barbares. Le CVU demande aux représentants des droits humains au Togo, dans la sous-région comme au plan international de saisir les membres de la communauté internationale et surtout les ambassadeurs en poste au Togo, afin de demander une visite officielle dans la prison civile de Lomé pour s’enquérir de l’état exact de santé de l’Administrateur SAMA, qui serait malade du fait des sévices et tortures subis d’une manière ou d’une autre de la part du pouvoir en place.
Au plan économique, l’affaire ReDeMaRe, illustre une nouvelle fois la question de la séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire au Togo, comme l’avaient illustrée les actes du Gouvernement RPT/AGO dans sa détermination à :
- fermer sans succès le parti politique OBUTS au mois d’août 2010 ;
- à tenter d’affaiblir l’ANC et le FRAC par une nouvelle tentative d’exclusion abusive intentée au niveau parlementaire contre les ex-membres du parti de l’Union des forces du changement.
Faut-il répéter qu’aucun adhérent sérieux du réseau GIE ReDéMaRe n’a déposé de plainte en justice contre le responsable de ReDéMaRe ? La très grande majorité des membres lui est restée fidèle et souhaite voir continuer l’activité qui leur a permis de retrouver leur dignité face au niveau de chômage enregistré par le pouvoir depuis plusieurs années. Incarcéré depuis cinq mois alors que le délai maximum était de 10 jours de détention préventive, l’Administrateur Essohamlom SAMA est actuellement encore l’objet d’un véritable bras de fer judiciaire entre la Chambre d’Accusation qui a ordonné sa mise en liberté et le Parquet, aux ordres du pouvoir RPT/AGO qui a rejeté la décision 5et choisit de se pouvoir en cassation afin de conserver Monsieur SAMA en prison.
6. LIBERER SAMA, CE N’EST QUE JUSTICE FACE A L’ARBITRAIRE DE L’ETAT RPT/AGO
Dans ce contexte nauséabond d’arbitraire et de bouc-émissairisation d’une personnalité dédiée au Peuple togolais, il est remarquable que M. Essohamlom SAMA continue à garder la confiance absolue du Collectif des Adhérents de ReDéMaRe qui devrait se mobiliser pour aller voir toutes ambassades des pays influents pour expliquer le système arbitraire qui prévaut au Togo.
A un niveau moindre, c’est comme si le Gouvernement togolais décidait de fermer la Grameen Bank et de mettre en prison sans explications le prix Nobel de la Paix, Muhammad YUNUS, père du microcrédit et Administrateur de la Grameen Bank.
Les avocats de SAMA Essohamlon, n’ayant toujours pas obtenu, cinq mois après son incarcération, la signification officielle des motifs de celle-ci, sont fondés à la qualifier d’arbitraire. Les raisons invoquées par le Gouvernement méritent d’être partagées avec le Public togolais et international :
- « Dossier complexe » ou « faits graves et complexes » sans spécifier les faits sont les motivations du Gouvernement qui en profite pour faire rejeter les demandes de mise en liberté provisoire ;
- Absence de partie civile et donc aucune plainte permettant de justifier l’incarcération et le maintien en prison pour tentative d’escroquerie de la part de Monsieur SAMA ;
- Le gouvernement ayant choisi la procédure de dissolution normale d’un Groupement d’Intérêt Economique prévu par l’Acte Uniforme de l’OHADA relatif aux sociétés commerciales et aux GIE, il faut savoir que toute décision nationale d’ouverture de la décision régionale suspend ou interdit toutes les poursuites individuelles. Le Gouvernement ne prend manifestement pas cela en compte ;
- De surcroît, les mesures conservatoires au Togo ne permettent pas de garder légitimement une personne privée en prison plus de 10 jours ;
En retirant l’autorisation d’installation no 040446/MDPRCPSP/DCIC en date du 21 décembre 2009 sans prouver une quelconque irrégularité, le Gouvernement s’est donné les moyens de geler les avoirs du GIE ReDéMaRe, ce qui constituerait une véritable nationalisation hors-la-loi, et donc une usurpation des biens du GIE ReDéMaRe par l’Etat togolais. Il faut s’interroger sur le rôle du Doyen des juges d’instruction qui a ordonné la levée des scellés apposés sur les locaux des différentes agences du GIE afin de procéder à l’inventaire (ordonnance no 34/10 daté du 2 août 2010) et comme par enchantement, c’est le même Doyen qui par l’ordonnance no 35/10 daté du même jour qui accompagné de deux inspecteurs (un du Trésor et l’autre des Finances) et d’un huissier de justice sont allés « ramasser l’argent » dans les agences du GIE ReDéMaRe.
La décision de restituer l’argent aux membres du GIE ReDéMaRe est sans fondement juridique et n’a jamais été sollicitée par aucun adhérent ou membre du GIE.
Au mépris de l’Acte Uniforme de l’OHADA, alors que le GIE ReDéMaRe n’est :
- ni dans une situation de règlement préventif prévu pour éviter une cessation de paiement ou d’activité afin d’apurer le passif,
- ni dans une situation de redressement judiciaire qui aurait permis la sauvegarde de l’activité et un concordat discuté avec les dirigeants du GIE,
- ni dans une situation de liquidation judiciaire des biens afin de récupérer ce qui peut l’être du passif et d’apurer le passif,
Le Gouvernement RPT/AGO ne respecte par les conventions régionales et le juge d’instruction en charge du dossier de l’Administrateur SAMA n’a pas été désigné par l’Acte Uniforme OHADA. Mais l’abus de droit le plus caractéristique de l’arbitraire du régime RPT/AGO est que c’est le Doyen des juges d’instruction, est aussi le Président du comité de restitution des fonds à des adhérents qui n’ont rien demandé et préfèrent voir le GIE ReDéMaRe reprendre ses fonctions. Surtout lorsque le Gouvernement n’apporte aucune preuve de dissolution du GIE, surtout lorsque le retrait arbitraire de l’autorisation d’installation par le Gouvernement RPT/AGO est en contradiction avec l’article 883 de l’Acte Uniforme de l’OHADA, qui prévoit que le GIE ne peut être dissous que par l’arrivée du terme, la réalisation ou l’extinction de son objet, la décision de ses membres (dans les conditions spéciales, voir 877 de l’AU de l’OHADA), ou par décision judiciaire pour des motifs justes, ou par décès d’une personne physique ou dissolution d’une personne morale membre du GIE, sauf clause contraire du contrat.
Le Gouvernement RPT/AGO s’est substitué à la justice et à l’Acte Uniforme de l’OHADA et profite de la privation des droits de la défense, des humiliations, tortures morales et physiques de l’Administrateur Essohamlom SAMA dans la prison civile de Lomé, pour mener un règlement hors-la-loi, extrajudiciaire, en toute violation de règles élémentaires des droits humains.
7. AGIR OU FAIRE L’AUTRUCHE FACE AUX TORTURES GRATUITES AU TOGO ?
Le Collectif pour la Vérité des Urnes exhorte le Gouvernement à respecter les conventions régionales signées, à respecter les conventions sur les droits humains et à procéder à la libération sans conditions de M. Essohamlom SAMA. Au cas où l’état de santé de ce dernier serait affecté par les mois d’emprisonnement et de torture, le Gouvernement togolais est prié de prendre en charge les soins médicaux et de rétablissement et de manque à gagner pour sa famille et pour les adhérents du GIE ReDéMaRe.
Le Collectif pour la Vérité des Urnes appelle l’opinion publique togolaise, la communauté internationale, l’ensemble des organisations de défense des droits humains, la Ligue togolaise des droits de l’Homme et Amnesty International en particulier, à peser de tout leur poids pour que justice soit faite pour toute personne présumée innocente au Togo.
Amnesty international et les organisations de la communauté internationale qui soutiennent les objectifs pour le Millénaire du développement devraient se pencher sur ce cas, dans lequel un Gouvernement décide unilatéralement de mettre entre parenthèses le travail acharné des combattants du retour de la dignité humaine des populations du Togo, qui leur accordent un droit à l’accès au crédit et les accompagnent dans la création de revenus et d’emplois. Comment peut-on empêcher des acteurs de la société civile de contribuer à la réduction de pauvreté, notamment dans les zones rurales ? Comment peut-on empêcher des gens honnêtes de travailler pour le Peuple togolais sans se servir d’abord ?
Le CVU estime que la vérité des comptes dans le dossier ReDéMaRe suppose que le Gouvernement n’intervienne pas, sans plainte, dans la gestion d’une structure privée, et surtout laisse la défense et les avocats de ReDéMaRe faire leur travail devant les juges togolais, en toute transparence, sans injonction, sans emprisonnement, sans intimidation.
A défaut, le Gouvernement RPT/AGO est juge et partie, et en l’espèce s’arroge le droit de s’approprier l’épargne d’autrui, les biens des pauvres, en tuant les opportunités d’accès au crédit proposées par ReDéMaRe. Il semble qu’il y a plus d’ignorance sur le fonctionnement d’une structure fondée sur un système où le crédit s’investit dans les capacités productives locales, avant de produire des bénéfices, recyclés auprès des populations privées d’accès au crédit. Empêcher ce système de continuer, c’est mépriser le petit peuple, les gens honnêtes et acteurs du développement du Togo dans les zones les plus reculées.
Les agents des Nations Unies en charge de la réduction de la pauvreté ne peuvent rester muets, sous le couvert de l’obligation de réserve, alors que l’on torture gratuitement dans les prisons togolaises.
9 décembre 2010
Coordinateur international provisoireDr Yves Ekoué AMAÏZO | Responsable de la communicationFrançois FABREGAT |
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Notes:
- OHADA, Acte uniforme relatif au droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d’Intérêt Economique, Acte adopté le 17 avril 1997 et paru au JO OHADA n°2 du 1er octobre 1997, in Droit Afrique.com, p. 100, voir <http://www.droit-afrique.com/images/textes/Ohada/AU/OHADA%20-%20AU%20Societes.pdf>, accédé le 6 décembre 2010. ↩
- Ambassade de France au Togo, « Revue de Presse 6-12 juillet 2010 », in Portail Ambassade de France, voir <http://www.ambafrance-tg.org/portail/IMG/pdf/Revue_de_presse_du_6_au_12_juillet_2010.pdf>, accédé le 4 décembre 2010. ↩
- Y.E. Amaïzo et F. Fabregat, « Faut-il supprimer les militaires dans la société togolaise », in CVU-Togo-Diaspora.org, voir < https://cvu-togo-diaspora.org/2010/09/22/faut-il-supprimer-les-militaires-dans-la-societe-togolaise/2610>, accédé le 5 décembre 2010 ↩
- Olivier ADJA, « En attendant la redistribution des fonds aux adhérents de ReDéMaRe – Les membres de la Commission technique du gouvernement se partagent 100 millions de FCFA », in Liberté Hebdo, Jeudi 28 Octobre 2010, voir : <http://www.togosite.com/index.php?option=com_content&view=article&id=2327:en-attendant-la-redistribution-des-fonds-aux-adherents-de-redemare&catid=34:togo&Itemid=53> ↩
- Lambert ATISSO, « Détention du DG de l’ex-ReDéMaRe: Ses avocats “surpris du comportement du parquet » in Savoir News, Lundi 15 Novembre 2010, voir <http://www.savoirnews.com/index.php?view=article&id=2199%3Adetention-du-dg-de-lex-redemare-ses-avocats-qsurpris-du-comportement-du-parquetq&option=com_content&Itemid=71>, accédé le 3 décembre 2010. ↩