Célébration du 235ème anniversaire de l’indépendance des Etats-Unis d’Amérique
Allocution de Son Excellence Madame l’Ambassadeur Patricia M. Hawkins
Mercredi, 6 juillet 2011
Excellence Monsieur le Ministre d’Etat, chargé des Affaires étrangères et de la Coopération,
Excellences, Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Chef d’Etat Major Général des Forces Armées Togolaises,
Honorables Députés,
Mesdames et Messieurs les Chefs de Missions diplomatiques et consulaires et des Organisations internationales,
Honorables chefs traditionnels et religieux,
Honorables invités,
Chers collègues,
Mesdames, Messieurs,
Bonsoir et bienvenus au 235ème anniversaire de la signature de la Déclaration d’Indépendance des Etats-Unis d’Amérique. C’est en ce jour que nous célébrons l’essence même de l’Amérique et l’esprit qui a fait de nous un peuple et une nation pendant plus de deux siècles.
A l’entrée, vous avez reçu le programme de la soirée. Sur ce programme se trouve un texte tiré de cette Déclaration d’Indépendance, un texte contenant des paroles qui ont changé le monde, des paroles qui demeurent aussi audacieuses et révolutionnaires qu’elles étaient en 1776. « Nous tenons pour évidentes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont dotés par le Créateur de certains droits inaliénables. Parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur ».
Comme l’a dit le Président Obama : « Ce ne sont pas que des mots sur un vieux parchemin. Ce sont les principes qui définissent notre nation, les valeurs que chérissent nos peuples, et les idéaux que défendent notre société, tout en sachant que nous devons constamment travailler en vue de parfaire notre union, et que notre travail n’est jamais vraiment achevé ».
C’est la dernière fois que je me tiens devant vous pour vous accueillir à la Résidence à l’occasion de la célébration du 4 juillet. C’est avec une réelle tristesse que j’ approche la fin de mon mandat d’Ambassadeur des Etats-Unis auprès de la République Togolaise. Au cours des trois dernières années, j’ai appris à apprécier et à respecter le Togo et sa population et, à l’approche de mon départ, mes sentiments vont de l’espoir et de l’optimisme à la frustration.
Depuis 2005, le Togo a réalisé de grands progrès tant sur le plan économique que politique. En ces temps de difficultés économiques, où de nombreux pays ne connaissent que peu de croissance, et où certains pays comme la Grèce, l’Irlande, et le Portugal sont au bord de la faillite, le Togo a connu une croissance économique de 3,5% en 2010. Au cours de la première moitié de cette année 2011, les exportations du Togo vers les Etats-Unis ont déjà dépassé celles de 2010. Le Togo a fait preuve d’une discipline fiscale nécessaire pour mériter une annulation de sa dette. Le FMI et la Banque Mondiale ont repris leurs investissements au Togo et, grâce à cela, le pays a été en mesure de développer et d’améliorer ses infrastructures, notamment les grands travaux de réhabilitation et de construction de routes, l’extension du port, et le projet d’extension et de modernisation de l’aéroport. On constate partout le progrès impressionnant réalisé ou en cours de réalisation. Les investisseurs étrangers sont en train de revoir leurs positions vis-à-vis du Togo – Contour Global est un exemple d’investissement pouvant aider le Togo à avoir suffisamment d’énergie électrique pour ses besoins. Le nouveau siège d’Ecobank, récemment inauguré, est une preuve que l’on peut avoir confiance en l’avenir économique du Togo. Les voyages à l’arrivée et au départ du Togo sont devenus plus faciles : la nouvelle compagnie aérienne ASKY a choisi le Togo comme hub, Brussels Airlines effectue trois vols par semaine sur Lomé, Air France en fait quatre, sans parler des autres compagnies telles que Ethiopian Airlines, Royal Air Maroc, et Air Burkina. Les Forces Armées Togolaises émergent vers une ère d’ouverture et de transparence, et sont jouent un rôle clé dans la stabilisation de la Côte d’Ivoire. Tous ces facteurs prouvent que nombreux sont ceux qui pensent que le Togo est un pays qui a de grandes potentialités.
Sur le plan politique, le pays a évolué considérablement. En mars 2010, le Togo a organisé l’élection présidentielle la plus réussie et la plus transparente de son histoire, laissant un exemple que ses voisins devraient suivre. J’aimerais saisir cette opportunité pour rendre hommage au courage du Président Faure et de M. Gilchrist Olympio qui, face à une désapprobation presque totale de leurs alliés et supporters respectifs, ont compris que le seul moyen d’aller de l’avant était de travailler ensemble pour assurer l’avenir du pays.
Le Président Faure a tendu la main à tous les partis de l’opposition, en leur demandant de prendre part à un dialogue inclusif. Il a également parlé de la réduction de la corruption. Tous ces messages sont très importants. Toutefois, aucune action concrète n’a suivi. Dans mon discours de l’année passée, j’ai parlé de la corruption. Une année vient de s’écouler. Quelque chose a-t-il changé ? Qu’est-ce qui a été fait ? A-t-on mené des enquêtes sur des ministres ou fonctionnaires d’état, des douaniers, ou des gendarmes, pour ensuite les traduire en justice pour délit de corruption ? Pourquoi faut-il seize signatures différentes pour faire sortir un container du port ? Pourquoi des rumeurs courent-elles qu’un juge a reçu 2.000.000 de francs CFA comme pot-de- vin, mais aucune investigation n’a été faite à propos de ce juge; et pourquoi n’a-t-on rien fait à l’individu qui a corrompu le système judiciaire en donnant le pot-de-vin ? Est-ce là la bonne gouvernance qui a été promise et que le peuple Togolais mérite ?
La bonne gouvernance. C’est ce qui sépare ceux qui gouvernent – ceux qui sont au pouvoir, aussi bien que les membres d’une opposition qui offrent au peuple de réelles alternatives – de ceux qui se vantent, volent, critiquent, et refusent les compromis nécessaires pour faire avancer un pays.
La gouvernance n’est pas un droit acquis à la naissance. La gouvernance ne peut pas être accordée, elle doit être réalisée. La gouvernance est un devoir solennel, une responsabilité, et aussi une opportunité pour l’acquisition d’une grandeur personnelle.
Qu’est-ce que la bonne gouvernance ? La bonne gouvernance, c’est la mise à jour du fichier électoral avec tous ceux qui ont droit au vote, et non seulement ceux qui sont loyaux à un parti. Bien gouverner, c’est expliquer au peuple les raisons pour lesquelles les décisions sont prises. Bien gouverner, c’est inculper et juger ceux qui sont accusés de crimes, et non les laisser languir en prison sans leur permettre d’avoir accès à leurs familles et à leurs avocats. Bien gouverner, c’est autoriser les mouvements de protestation civils et pacifiques – ce n’est pas d’envoyer les forces de sécurité en masse pour tirer des grenades lacrymogènes sur les étudiants qui ont des revendications raisonnables et justifiées. Ce n’est sûrement pas synonyme de bloquer un citoyen dans sa maison sans raisons claires et justifiables. La liberté de mouvement est tout aussi importante que toutes les autres libertés qui nous sont si chères. Bien gouverner, c’est libérer l’économie de la bureaucratie étouffante, et mener des enquêtes et traduire en justice ceux qui sont corrompus. Bien gouverner, c’est respecter et préserver l’autorité de la loi.
La bonne gouvernance, c’est la tenue des promesses faites. Il y a six mois, le président a promis un dialogue inclusif. C’était une promesse audacieuse et courageuse. Mais ce dialogue n’a pas encore eu lieu, et personne ne parle de quand cela pourrait avoir lieu, ni de comment cela se tiendrait. Pourquoi cela ? Ce manque d’information permet au cynisme d’empoisonner l’environnement politique.
Le besoin d’agir ne vient pas seulement d’un processus politique, ni de la force ou de la faiblesse de l’opposition. Cela vient d’une économie mondiale qui exige un changement constant pour demeurer compétitif. Cela vient du fait que chaque année, il y a plus de bouches à nourrir. Cela vient du constat que partout les gens ont le droit de participer à l’avenir de leur pays, et que le gouvernement n’est pas une autorisation pour qu’une minorité s’enrichisse au détriment de la majorité.
C’est précisément parce que je suis optimiste concernant le Togo que je suis si frustrée. Le Président Faure mérite qu’on lui reconnaisse d’avoir présenté une vision pour l’avenir du Togo. Je l’encourage à conformer l’audace de ses paroles avec des actes tout aussi audacieux.
Mais pour qu’il puisse réaliser sa vision, il a besoin d’une opposition capable de le rejoindre à mi-chemin. Une opposition qui ne se limite pas à dire non à tout et à décrier les erreurs du passé. Le Togo a besoin d’une opposition qui est en mesure de défier le gouvernement par sa propre inspiration, par ses nouvelles idées et son énergie. Ne marchez pas seulement contre le gouvernement, marchez pour quelque chose, pour le futur du pays que vous chérissez tous. Ceux qui veulent récolter les bénédictions et les fruits d’une nation libre doivent se mettre au travail et en subir la fatigue. Le progrès ne vient pas de l’atteinte de la perfection, il vient de l’ardeur au travail face à l’imperfection et aux obstacles apparemment insurmontables.
Je dis donc au gouvernement de respecter le droit de manifester. Avancez dans les réformes, même s’il y en a qui s’opposent à tout ce que vous faites. Travaillez avec ceux qui acceptent de travailler avec vous, et respectez leurs idées. Desserrez l’étau de la corruption et de la bureaucratie. Parfois, gouvernance veut dire réduire le contrôle et laisser faire, tout comme devrait faire un parent lorsque son enfant demande à suivre sa propre voie et à avoir la liberté de commettre des erreurs. Et parfois, gouverner, c’est poser des actes audacieux, et corriger nos erreurs tout en tirant des leçons de ces erreurs. La grandeur vient de ce que vous faites, bien plus que de qui vous êtes et de ce que vous dites. A travers une sage gouvernance et des actions courageuses visant à bâtir et à fortifier la République, le Togo sera grand parmi les nations.
Je n’ai pas la réponse à toutes ces questions, mais je sais que pour avancer et tirer le maximum de ses potentialités, le Togo doit adopter une politique du « oui » au lieu du « non ». En regardant autour de moi ce soir, et en pensant à l’intelligence, à la passion, à la discipline, à l’ardeur au travail, et au sens de l’humour des Togolais, je n’ai aucun doute que le Togo réussira et que ses meilleurs jours sont devant lui. Et les Etats-Unis continueront à être aux côtés du Togo en tant que partenaire et ami.
Je vous remercie.