Le temps de l’indignation
Nous pensions tous ne plus revoir ces images traumatisantes de famine, après le choc de l’épisode éthiopien de 1984 ! Et pourtant, près de trente ans après, ces images d’enfants faméliques mourants sont diffusées en boucle sur nos écrans de télévision. Le décor est le même ce qui fait inévitablement remonter à la surface les souvenirs d’un passé que nous voulions enfoui à jamais. Et voilà, qu’à leur tour, nos enfants doivent comme nous en 1984, supporter ces images de cauchemar d’une Afrique qu’ils rêvent plus belle, généreuse et solidaire.
2011, la corne de l’Afrique, la Somalie principalement, et aussi le Kenya, l’Éthiopie, l’Ouganda et Djibouti. La sécheresse, les conflits armés, la disparition de fait de l’État de Somalie, les déplacements de populations, les camps de réfugiés, tel est aujourd’hui le cocktail de la crise qui, pour le coup, affiche clairement sa dimension régionale. Et en remontant un peu le temps, des crises de la faim sont récurrentes et, probablement, de plus en plus rapprochées : Somalie 1992 avec déjà en guerre avec l’opération « Restore hope », l’Éthiopie 2008, 2009, le Sahel 2010 et à intervalle régulier. D’autres zones en Afrique dont on considère qu’elles sont en paix subissent elles aussi des alertes, des crises alimentaires, certes, moins aigües, mais qui nous interpellent tout autant !
Que de désastres pour des populations Africaines affaiblies. Que de désastres pour un continent qui peine à trouver sa place dans une économie mondialisée, que d’humiliations pour des populations qui savent qu’elles détiennent dans ce monde les principales ressources naturelles que tous les autres continents leur convoitent. Ce drame alimentaire de la Corne de l’Afrique, pourtant annoncé depuis la sécheresse observée il y a plus d’un an, n’a pas été évité ! Comment est-ce possible ? Dans le contexte de ce conflit armé qui perdure en Somalie conjugué à l’impuissance que démontre l’Union Africaine et ses États membres dans la recherche de solutions et donc à imposer la paix, est-ce que la vie, la sécurité et l’avenir des populations comptent pour quantité négligeable ?
Ces drames à répétition mettent malheureusement à jour une incroyable incapacité collective qui est d’abord et surtout celle d’une classe dirigeante africaine à tirer toutes les leçons du passé et à apporter des réponses efficaces et pérennes. Et, la convocation par l’Union Africaine d’une conférence pour le 9 août sur l’aide aux victimes de la famine et de la sécheresse en Somalie sonne comme un regrettable retard à l’allumage. Plus de 10 jours après que l’ONU ait déclaré officiellement l’état de famine en Somalie, aucune réunion significative au sommet de l’Union Africaine, aucun sommet n’a réuni en urgence des chefs d’Etat sur une crise qui touche principalement les plus fragiles. Et pourtant, cette initiative au bénéfice de populations d’un pays en particulier, la Somalie où l’Etat est si fragile lui-même est indispensable. Face à la gravité de la situation alimentaire dans la Corne de l’Afrique, comment devons-nous interpréter le quasi immobilisme, le manque d’initiatives des dirigeants africains et de l’Union Africaine ? C’est tout simplement IN-COM-PRÉ-HEN-SI-BLE !
Cet immobilisme est d’autant plus incompréhensible qu’il jure face à la mobilisation internationale mise en place sur d’autres continents ! C’est l’occasion qui nous est donnée de relever cette solidarité européenne, américaine et onusienne, une fois de plus. Naïvement peut-être, il nous aurait semblé naturel de voir que les États africains soient les premiers à exprimer leur solidarité et qu’ils soient en tête de la mobilisation des secours et de l’aide en faveur de leurs voisins !
Près de cinquante ans après leurs indépendances, n’est t-il pas inexplicable que les États Africains n’aient pas encore pu se doter des moyens de faire face au moins aux situations d’urgence ? Surtout lorsqu’il s’agit de venir en aide aux populations les plus vulnérables ? Et, où est donc cette valeur partagée dont les africains se réclament souvent ? La solidarité ! S’il ne devait avoir qu’une seule valeur au fondement de l’Union Africaine, ce devrait être celle de la solidarité. S’il n’y en avait qu’une à faire prévaloir ce serait celle de la valeur première de l’Humanité. Que représente l’ensemble des politiques économiques et sociales si elles n’ont pas vocation à préserver les vies des enfants, des femmes et des hommes du continent ? Pour notre collectif, l’indépendance dont les États du continent se réclament est consubstantielle à l’exercice de cette responsabilité sur l’existence, la vie, le bien être de leurs populations, et sans aucun doute, le devoir de solidarité envers leurs voisins et les autres populations de la planète.
Au regard des projections de croissance démographique que nous connaissons, l’optimisme n’est pas de mise ! Ce serait effroyable si rien n’a changé en Afrique depuis l’épisode de la sécheresse suivie de la famine en Éthiopie en 1984. Que se passera t-il d’ici à 2050 quand la population de l’Afrique aura doublé passant de 1,1 milliards à 2 milliards d’âmes ? Les moyens qui font défaut aujourd’hui seront t-ils alors au rendez-vous ? Avec quelles politiques alimentaires et quelle gouvernance ?
La gestion de l’urgence humanitaire
Alors, que faire aujourd’hui pour l’Union Africaine et ses États membres ? Prendre le train en marche pour gérer l’urgence de la crise actuelle puis, s’inscrire dans une perspective de moyen et de long terme pour faire face aux enjeux alimentaires.
Pour la conférence du 9 août prochain, notre collectif prend le risque d’une proposition pour reprendre l’initiative sur le continent. Il appelle les deux grands pays africains que sont le Nigéria et l’Afrique du Sud et qui revendiquent un siège de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, à prendre le leadership d’une opération d’envergure au sein de l’Union Africaine. De réunir un sommet des chefs d’Etat du continent pour étudier les actions de court et moyen termes pour d’une part, faire face à l’urgence alimentaire de la corne de l’Afrique et, pour d’autre part, se donner les moyens d’y faire face à l’avenir à des pénuries alimentaires.
La mobilisation de 1,5 milliard de dollar ; estimation de la FAO pour résoudre cette crise alimentaire dans la corne de l’Afrique, n’est pas inaccessible pour l’ensemble des pays du continent africain. La mobilisation des traditionnels pays donateurs ne peut se concevoir que de manière complémentaire même si elle est substantielle. C’est d’abord une question de responsabilité et certainement une question d’honneur voire un sursaut d’orgueil pour le continent.
L’indispensable prise de conscience à mettre sur pied des mesures à la hauteur des enjeux
Nous n’avons aucune naïveté sur les problèmes de fond qui sont à la source de cette famine. Il faut bien reconnaitre que les troubles politiques internes dans une grande partie des pays du continent africain et en particulier dans certains pays de la corne de l’Afrique n’arrangent pas les choses. Ils ne facilitent même pas la mise en place de l’assistance humanitaire d’urgence dont ont besoin les populations en danger. Pourtant il faudra bien dépasser ces considérations si on doit leur venir en aide.
À ce titre, notre collectif se risque une fois de plus à quelques considérations. Seule la modernisation des Etats africains sera de nature à assurer une protection des populations africaines. L’Afrique possède les moyens d’assurer son autosuffisance alimentaire et de faire face à des crises naturelles comme celles induites par la sècheresse. Ce ne serait pas raisonnable pour notre collectif d’aller jusqu’à la proposition de constitutions de stocks stratégiques d’eau et d’aliments dans certains pays, tellement nous pensons que c’est une évidence… Une partie de la solution à ces crises réside dans la capacité des pays à s’organiser comme des états modernes. Il s’agit alors de mettre en place des politiques de production alimentaire adaptées, de construire des infrastructures de conservation et d’approvisionnement efficaces, de mettre en place des coopérations régionales pour prévoir et anticiper crises alimentaires.
Par contre, nous estimons qu’il est indispensable que l’Union Africaine se saisisse de cette problématique comme garante de la sécurité alimentaire sur le continent. Et, qu’en son sein, une unité opérationnelle dédiée soit confortée pour gérer les crises aigües alimentaires ou autres catastrophes naturelles. La légitimité de l’UA sera aussi liée à sa capacité à soulager les populations africaines et à protéger la vie sur tout le continent en cas de crise grave.
Il nous semble aussi évident de préciser qu’une partie de la réponse à ces crises inacceptables au 21ème siècle passe par l’inscription durable des régimes politiques sur le chemin de la construction d’Etats de droit, modernes (organisés) et démocratiques.
Le sursaut d’orgueil des diasporas Africaines
Pour toutes ces raisons, et parce que nous estimons que les diasporas Africaines, devraient se sentir doublement concernées, notre collectif lance un appel solennel pour un sursaut d’orgueil aux membres des diasporas Africaines.
Nous invitons individuellement chacun, et en particulier ceux qui pensent qu’il faut agir, qu’il s’agit là d’une cause humaine et qu’il nous appartient à nous aussi, membres de ces diasporas, d’exprimer explicitement cette solidarité, et de participer à une collecte exceptionnelle au profit des populations en grande souffrance.
Le 02 août 2011
Le Collectif Diaspora Afrique
Patrick DIKOUMÉ (Ingénieur et économiste) / Porte parole
collectifdiaspora@gmail.com
Fernand BEYENE (Chef d’entreprise)
Samuel ELONG NDAME (Cadre financier)
Bernard MOKAM (Économiste)
René NGANOU (Docteur en Chimie environnement et professeur)
Alain WAFFO (Credit & Collection Manager)
NB : Pour cela, nous avons fait appel à la croix rouge française pour recueillir vos dons sur une ligne spéciale dont les références sont : sur le web : www.croix-rouge.fr (dons en ligne), par chèque : Croix-Rouge française « Corne de l’Afrique » 75678 Paris cedex 14. Un compte rendu des versements et de la destination de ces fonds entièrement gérés par la Croix-Rouge française sera disponible sur le site internet de cette organisation.