Fenêtre sur l’Afrique du 26 Octobre 2013 sur radio Kanal K en Suisse
- M. Nicodème Habia de l’UFC, Union des Forces de Changement explique les raisons de son exclusion et se dit toujours déterminé à continuer la lutte pour un état de droit au Togo
- Ferdinand Ayité, journaliste, Directeur du journal “L’Alternative” a fait une analyse globale de la situation politique au Togo après les élections législatives.
Débat sur la demande des Chefs d’Etats africains de se retirer de la CPI Invités:
- Maître Séri Simplice Zokou, Citoyen Ivoirien, depuis Bruxelles,
- M. Pierre Sané Adjété, Citoyen togolais, depuis Québec au Canada,
- M. François Fabregat, membre du Forum de discussion Inter collectif Afrique consacré au panafricanisme, Directeur de Communication du CVU – Togo – Diaspora, Collectif pour la Vérité des Urnes.
- Allain Jules, Journaliste, Blogueur, depuis Paris.
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Deuxième partie :
Kanal K Sylvain AMOS : Pourquoi selon vous les chefs d’Etats africains menacent-ils de se retirer de la CPI?
François FABREGAT CVU-Togo-Diaspora : Ce débat n’est pas un débat nouveau et il faut remonter à la genèse de cette affaire pour tenter de comprendre ce qui se passe. C’est Jean Ping, à l’époque Pdt de la Commission e l’Union Africaine, qui devant la 17° session ordinaire de l’Union Africaine au mois d’août 2011 avait fait une sortie publique très remarquée. 1 « Nous sommes pour la lutte contre l’impunité. Nous ne sommes pas contre l’impunité. Nous ne sommes pas contre la Cour Pénale Internationale puisque 32 pays africains en sont membres. Nous ne sommes ni contre la justice, ni contre la Cour. Nous sommes contre la manière dont la justice est rendue. On ne condamne que des africains.» La menace proférée aujourd’hui par les pays membres de l’Union Africaine de quitter la CPI prend tout son sens lorsque que deux ans après cette sortie de Jean Ping l’Union Africaine procède à un acte politique très fort en institutionnalisant sa récrimination. En effet elle a consacré le 11 octobre 2013 à Addis-Abeba (Ethiopie), un sommet extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement pour réexaminer ses relations avec la Cour pénale internationale (CPI), le pays les plus virulents se prononçant contre cette juridiction n’excluant pas de se retirer du statut de Rome. Mais il faut se souvenir aussi qu’en 2009, soit deux ans avant la sortie remarquée de Jean Ping, l’Union Africaine avait pris une décision collective de ne pas respecter le mandat émis à l’encontre du président soudanais Omar el-Béchir. On le voit donc les relations tendues de l’Union Africaine avec la CPI ne datent pas d’hier, et pourtant cette CPI, n’a été créée qu’en 2002. Après avoir posé le contexte il faut examiner aussi les motivations de fond comme l’a fait en 2011 Jean Ping qui disait en substance : « Le procureur ne condamne et ne juge que des africains, pourquoi personne d’autre n’est jugé sauf des africains, Sri-Lanka Gaza, Irak, sur la base d’un mensonge 1,5 millions de morts. Ce n’est rien ! Aux Etats-Unis on m’a demandé pourquoi vous ne respectez pas la CPI j’ai répondu vous les américains avez refusé de faire partie de la CPI nous sommes au-dessus de la loi internationale aucun américain ne doit être jugé en dehors territoire américain. Si je dis un jour aucun africain ne doit être jugé en dehors du territoire africain est-ce que je dis autre chose de différent de que ce que vous dites. Le problème est qu’aujourd’hui on ne parle jamais de la justice rendue par les tribunaux spéciaux tels le Rwanda ou l’ex-Yougoslavie. Mais on voit le procureur de la CPI Ocampo tout le temps à la télévision en train de parader. On demande de dire le droit et pas de faire de la politique Ocampo ne fait pas de droit il fait de la politique. » « Ocampo it’s a Joke » Le problème est qu’aujourd’hui elle a perdu de son aura et surtout qu’on ne la voit plus comme un organisme judiciaire impartial. Et d’ailleurs la chute de l’intervention de Jean Ping, c’était de dire que M. Ocampo à l’époque procureur de la CPI ne fait pas de droit mais fait de la politique. C’est bien là le fond de l’affaire, parce que considérée sous cet angle, qui est le reflet d’une stricte vérité attestée par les faits, la question du maintien ou du retrait des pays africains de la CPI devient légitime, même si la démarche envisagée pose des problèmes d’ordre juridique, dans la mesure où ce sont les pays qui décident ou non à titre individuel de se maintenir à la CPI ou de se retirer.
Alain JULES : Je suis pour. Déjà je dis tout de go comme çà et d’entrée que je suis pour ce retrait. Simplement parce que la CPI aujourd’hui, une idée pourtant très belle qui a germé pendant plus d’un siècle avant de voir le jour en 2202, le 1er juillet, malheureusement le traitement de cette cour est complètement discriminatoire. Je crois qu’il ne faut pas se voiler la face, d’autant plus que l’on voit très bien ceux qui sont condamnés aujourd’hui par la CPI. Ce sont uniquement essentiellement des africains. A partir de ce postulat, on se dit qu’il y a des problèmes. Pourquoi ? Simplement parce que les autres pays ont fait la guerre, ont fait le coup de feu. Les Pays européens ou occidentaux ont fait la guerre à la Libye. Donc on sait ce qui s’est passé en Libye. Pourquoi ces gens-là, derrière, ne sont pas accusés de crimes de guerre et autres. Moi j’ai les réponses. C’est simplement comme Jean Ping le disait, c’est une institution politique néocoloniale pour mettre au pas les africains. Il n’y a pas de doute possible et bien évidemment malheureusement il a des africains qui nous disent aujourd’hui, je veux dire des intellectuels très malhonnêtes, parce qu’ils ne sont pas au pouvoir et veulent arriver au pouvoir qui nous disent : oui les chefs d’Etat africains veulent quitter la CPI en bloc simplement pour l’impunité. Je crois que là c’est un faux débat. Il ne s’agit pas d’impunité, il s’agit d’une violence incroyable d’une Cour. Je ne dis pas que ce sont des saints, bien évidemment. Regardez par exemple ce qui se passe avec le Président et le Vice-président Kényans. A partir du moment où le peuple kényan a élu ces deux personnalités là ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu’au sein même du Kenya, s’il y a eu des exactions, le peuple a fait table rase de tout ça. Au nom de quoi des gens élus, on les appelle encore, si ce n’est pas pour créer des troubles notamment au Kenya. Donc on se pose des questions. Il y a toujours des faits qui ne collent pas très bien par rapport à la CPI. Et puis, il suffit de lire pour comprendre. Par exemple la France, beaucoup de gens ne sont pas au courant, mais il faut lire le droit pénal français, il faut lire le droit aux Etats-Unis. Faut-il rappeler à ces africains là que jamais les Etats-Unis n’ont ratifié la CPI. Donc il y a une grosse escroquerie des pays occidentaux qui quelque part financent cette CPI là et qui fait essentiellement la loi en Afrique. Savez-vous que, bien qu’affichant son soutien à la CPI, la France bien que comptant parmi les pays qui résistent le plus fermement aux Etats-Unis, notamment contre leur opposition à cette institution juridictionnelle, la France s’est singularisée en se soustrayant à la compétence de la Cour pour l’une des trois catégories de crimes qui sont de son ressort, c’est-à-dire les crimes de guerre ! Est-ce que les gens le savent ? De plus, elle n’a transposé que de façon très incomplète le statut de la CPI dans son droit interne et n’a pas procédé aux aménagements du Code Pénal qu’impliquerait l’intégration des définitions des crimes figurant à ce statut de Rome. Donc le droit français, n’est pas en retard en ce qui concerne bien évidemment le « génocide » ou encore les « crimes contre l’humanité », il l’est en revanche pour les « crimes de guerre ». C’est très important. Pourquoi, parce que ces gens-là savent qu’ils font de la guerre, alors ces incriminations sont de l’escroquerie. Justement en tapant uniquement sur les Africains.
Kanal K Sylvain AMOS : Est-ce que vous êtes pour ou contre ce retrait de la CPI que demandent justement les chefs d’Etat africains ?
François FABREGAT CVU-Togo-Diaspora : Telles qu’Alain vient d’exposer les choses, ou telles que je les ai exposées moi-même, on ne peut décemment qu’être contre la CPI et à ce titre là je le suis, mais attention dire je suis contre et ne pas développer les tenants et les aboutissants serait une erreur. A mon avis nous aurions tort de considérer cette question de la CPI d’un point de vue juridique, alors qu’il s’agit d’un problème qui est éminemment politique. Alain Jules vient de le dire en filigrane il y a quelques instants. Quand je dis je suis contre le retrait, j’assortis cela d’un certain nombre de conditions. Car cette question porte en elle-même une autre question qui concerne les pays africains eux-mêmes, puisque moi j’interviens dans un mouvement qui s’appelle CVU-TOGO-DIASPORA, qui concerne l’actualité du Togo et là nous sommes quand même bien placés pour nous rendre compte que la justice e notre pays ne fait pas la boulot comme elle devrait le faire. La question de savoir Ok pour le retrait des pays africains de la CPI entièrement d’accord. Maintenant je pose la question, que proposons-nous que faisons-nous à la place ?
Kanal K Sylvain AMOS : Justement… !
François FABREGAT CVU-Togo-Diaspora : Permettez-moi Sylvain, ce que j’aurais aimé c’est que dans le débat qui s’est instauré le 11 octobre à Addis-Abeba, émergent des propositions concrètes de la part de l’Union Africaine, puisque là il s’agissait d’une réunion au sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement. Mais à ce jour je n’ai rien vu qui transparaisse d’une quelconque proposition allant dans le sens comment on fait si demain on se sépare de la CPI ? Ce que je pense qu’il faut faire car elle est complètement discréditée aujourd’hui, si je m’en tiens à l’analyse du cas de la Côte d’Ivoire qui est le cas le plus flagrant ces derniers temps. Vous voyez ce que je veux dire. Donc il faut poser les autres questions et j’espère que dans le débat nous allons y revenir. On ne peut pas se contenter de dire on sort, sans dire qu’est-ce qu’on fait derrière.
Kanal K Sylvain AMOS : Exactement c’est la question que je voulais vous poser pour qu’on soit plus précis pour les auditeurs ? Donc vous vous êtes contre la sortie de la CPI ?
François FABREGAT CVU-Togo-Diaspora : Non, non, non, je n’ai pas dit que j’étais contre la sortie. J’ai dit je suis pour quitter la CPI, à une condition c’est que nous créions en tant qu’Africains les conditions pour que nous ayons un organisme correspondant ou que la justice de chaque pays soit en mesure de punir les crimes qui sont commis
Kanal K Sylvain AMOS : C’est-à-dire que vous doutez de la crédibilité des justices en Afrique ?
François FABREGAT CVU-Togo-Diaspora : Ce n’est pas que je doute de la crédibilité des justices en Afrique. Je vais vous prendre deux exemples qui me viennent immédiatement à l’esprit. Un exemple simple qui est dicté par la récente actualité du Togo. Premier exemple : Au Togo on a mis des années avant de créer une Commission Vérité justice et réconciliation chargée de balayer le spectre de 40 ans de violences politiques au Togo. La CVJR a rendu un rapport qui ressemble aujourd’hui à un livre d’histoire, plus qu’à un rapport de commission Vérité justice et réconciliation, parce que pratiquement deux ans après que ce rapport ait été rendu aucun tribunal ne s’est encore saisi des travaux et des conclusions qu’elle a rendues pour entamer les procédures judiciaires qui devraient normalement en découler. Deuxième exemple : L’Afrique du Sud : Quand l’apartheid a pris fin, ce sont des tribunaux sud-africains qui ont jugé les auteurs des exactions commises durant cette période après que la Commission Vérité justice et réconciliation ait fait émerger les responsabilités des uns et des autres à l’issue des travaux. Donc ce que je veux dire par là c’est qu’il y a certains pays où il y a une justice qui fonctionne à peu près correctement et qui permet de mettre en œuvre ce que je viens de dire et vous avez un autre pays, le Togo, que je connais particulièrement bien où cela n’a pas été possible. Au Togo c’est le règne de l’impunité ! Si l’on sort de la CPI, si l’on n’a plus le chapeau d’une Cour supranationale il n’y a plus rien. Récemment et j’en termine là pour ce cas précis, le Togo a été condamné par la Cour de Justice supranationale de la CEDEAO, qui est une Cour de Justice Africaine et pas européenne, dans l’histoire des neuf députés de l’ANC qui avaient été exclus de l’Assemblée Nationale. Le Gouvernement togolais n’a jamais appliqué la décision de la cour de la CEDEAO et n’a jamais réintégré les députés togolais de l’ANC. Alors on, ne peut pas dire je sors de la CPI – et je suis pour en sortir – sans dire en même temps voilà comment nous allons faire.
Kanal K Sylvain AMOS : On va relancer Alain Jules qui va nous expliquer ce qui devrait être pour que la justice se passe comme il se doit, mais auparavant laissons la parole à un auditeur…
Auditeur Genève M. Aboussou Dibalbe : Ma position par rapport à cette demande des Chefs d’Etat africains de se retirer de la CPI pour moi c’est quelque chose d’inacceptable et ahurissant à l’égard des peuples africains. Il ne faudrait pas donner raison à ceux qui pensent que l’Afrique ne mérite que le bas de gamme soit en économie ou en politique. Parce qu’aujourd’hui nous avons au niveau de nos états africains, nous n’avons pas encore pu en tant que peuples imposer des chefs d’état qui peuvent garantir la justice intérieure. Tant que cela n’est pas fait c’est la CPI qui va être notre référence pour quand même demander des comptes à ceux qui massacrent encore leurs propres peuples. Donc pour moi c’est une demande qui désabuse les peuples africains. Tous ces chefs d’état africains qui se rendent coupables d’exactions, de violations des droits humains doivent quand même répondre devant cette Cour pour rendre des comptes. Ça c’est ma position, donc moi je pense, encore une fois, que nous ne devons pas accepter que des criminels, au nom d’une soi-disant stabilité arrivent au pouvoir en Afrique et continuent encore à désabuser le peuple africain. Donc ils doivent répondre de leurs actes. Je sais qu’il y a une certaine opinion qui soutient qu’il faut accepter de faire élire des criminels au nom de la stabilité. Nous devons mettre fin à cette situation-là. Quand quelqu’un est coupable de violation des droits humains. Ou même, ce qui s’est passé au Kenya et ailleurs, qui sont même coupables de violation de droits humanitaires, donc ces gens-là doivent répondre de leur forfaiture.
Kanal K Sylvain AMOS : Alain Jules, vous vous dites que vous êtes pour, alors que cet auditeur est carrément contre, il pense que oui la CPI doit continuer son travail puisque en Afrique, selon lui il doute de la justice en Afrique et il revient à la CPI de prendre ses responsabilités et de faire justice pour les opprimés, ceux qui sont les victimes et subissent les exactions de la dictature en Afrique. Alain Jules quelle est votre réaction après avoir subi la réaction de cet auditeur ?
Alain JULES : Justement quand j’ai suivi cet auditeur c’est ce genre de comportement-là qui me désole. Quand j’entends un africain parler de ça et qui plus est, il parle de bas de gamme, d’une justice bas de gamme. Croit-il un seul instant, alors que c’est une institution complètement politique que la CPI est une institution haut de gamme. Je crois que là c’est un faux débat. Je ne veux pas être méchant mais j’ai l’impression que ce sont des gens qui suivent un peu trop les médias occidentaux, et peut-être même exclusivement les médias occidentaux. C’est-à-dire que l’on assiste avec le propos de ce Monsieur, à ce que l’on appelle en fait le masochisme africain. C’est-à-dire à une autoflagellation, cela laisse l’impression que les autres sont meilleurs que lui et il a l’impression que même s’il est médecin, que le médecin qui est sorti ‘ne école occidentale est plus compétent que lui, etc., etc… C’est vrai que quelque part je veux dire que ce qui s’est passé à Addis-Abeba c’est de la mascarade. Moi je suis contre des gens qui jouent juste sur des effets d’annonce. Pourquoi, Simplement parce qu’ils annoncent quelque chose et ils font le contraire. Doit-on sortir en bloc ou pas ou doit-on simplement demander qu’on sursoie au jugement du Président du Kenya ?, etc… Sincèrement c’est de l’enfumage
Kanal K Sylvain AMOS : Alain Jules, je vous comprends mais pour cet auditeur il ne croit pas à la justice en Afrique, est-ce que vous vous croyez sincèrement à la justice Africaine. Est-ce que cette justice-là est compétence pour juger les Chefs d’Etat ou ces hommes politiques qui commettent des exactions sur de paisibles citoyens. Qu’est-ce que vous proposez concrètement ?
Alain JULES : Elle n’existe pas on va dire. Je voulais conclure par-là c’est-à-dire qu’on mette en place en Afrique, car il est temps quand même que l’on se prenne en charge, cela ne peut pas durer une éternité quand même. C‘est-à-dire que 50 ans après les indépendances on a encore à regarder ce qui se passe en occident pour décider de notre sort ? C’est une catastrophe ! Nous sommes quand même des êtres humains, et on ne va pas être comme le cacao n’est-ce-pas où le café ou les prix sont dictés par l’occident. Je crois que nous devons nous prendre en charge. L’homme africain doit se réhabiliter, l’homme africain doit prendre conscience de ses capacités et de ses valeurs morales. Alors bien évidemment il n’y a pas un tribunal comme celui-là, mais pour sortir de la CPI, il faut mettre en place une sorte de CPA. C’est-à-dire que cette Cour pénale Africaine puisse juger justement ceux qui font des exactions, les Chefs d’Etats etc., c’est-à-dire que l’on part sur une base ou tout le monde signe, et puis, soit dit en passant pourquoi les Etats-Unis n’ont pas ratifié le statut de Rome ? Il faut réfléchir par rapport à ça. A partir du moment où la CPI est une institution Onusienne, que l’ONU fasse ce qu’elle doit faire c’est-à-dire exiger que tous les pays qui sont membres des Nations Unies signent le Traité de Rome et je crois que les choses seront beaucoup plus claires. Pas qu’un pays fait semblant de signer – comme ce que j’ai dit par rapport à la France – alors qu’il n’importe pas dans son Code pénal les Crimes de guerre, parce qu’il fait des guerres. C’est la première base. A partir du moment où l’ONU ne fait pas ce travail-là tout est biaisé.
Kanal K Sylvain AMOS : On va voir aussi ce que pense François Fabregat. Vous avez suivi la réaction de cet auditeur. Vous pouvez réagir par rapport à cet auditeur et à ce que vient de dire Alain Jules ?
François FABREGAT CVU-Togo-Diaspora : Alain Jules a raison mais je ne partage pas complètement son appréciation sur l’intervention de notre auditeur. Il ne faut pas prendre les choses comme cela. Pour parler de la justice en Afrique je vais partir loin de chez nous. Loin de chez nous mais à la fois très près. La justice c’est quoi ? C’est une question de rapport de forces politique. Ce n’est pas uniquement une question de droit juridictionnel c’est aussi une question de rapport de forces politique. Je vais partir loin de notre continent, de l’autre côté de l’Atlantique pour examiner ce qui vient de se passer au mois de mai dernier au Guatemala. La Justice guatémaltèque a condamné au mois de mai 2013 l’ancien Président de la République José Efraín Rios Montt – je dis bien l’ancien président, pas un comparse, pas un ancien ministre ou un général -, elle l’a condamné à plus de 80 ans de prison pour génocide commis à l’intérieur du pays. C’est la justice du Guatemala, ce n’est pas la justice internationale ou une Cour pénale internationale qui l’a condamné. Ce que je veux expliquer c’est qu’en Amérique du Sud depuis une vingtaine d’années on a assisté à un basculement politique qui a sensiblement fait passer la quasi-totalité de ces pays qui étaient des dictatures à des démocraties. Mais je dis bien à de vraies démocraties. Alors les avancées sont parfois chaotiques mais il y a des avancées. Et à quoi a-ton-assisté, le Guatemala a condamné Rios Montt, le Chili qui n’a pas pu le faire avec Pinochet parce qu’il est mort avant, a condamné les exactions, les tribunaux chiliens, les tribunaux argentins ont aussi condamné ceux qui avaient commis des exactions durant les coups d’Etat. C’est la justice de ces pays qui a condamné. La question que nous devons nous poser à ce moment-là : est-ce qu’en Afrique nous sommes capables de faire aujourd’hui ce qu’a fait le Guatemala, ce qu’a fait le Chili, ce qu’a fait l’Argentine. Je ne le crois pas ! Combien de démocraties ? Quand nous sommes en Afrique, c’est le cas du Togo ou ils sont présidents de père en fils depuis 42 ans sans aucune démocratie, sans aucune séparation des pouvoirs – je rappelle que quand Faure Gnassingbé est arrivé au pouvoir un rapport de l’ONU a établi qu’il y a eu 800 morts – ce n’est pas rien c’est l’équivalent de ce pourquoi le Guatemala a condamné Rios Montt. Est-ce que vous voyez aujourd’hui la justice togolaise être capable de juger Faure Gnassingbé qui est directement responsable puisque c’est lui qui était à la manœuvre avec son frère Kpatcha Gnassingbé ? C’est ça la question que nous devons nous poser. Moi je veux bien examiner toutes les autres considérations mais ça malheureusement, c’est le sentiment de millions d’africains qui vivent aujourd’hui sous des gouvernements ou il n’y a aucune alternance, ou les types sont au pouvoir de père en fils durant des décennies on peut les comprendre quand ils disent si le verrou de la CPI saute – CPI que je conteste totalement aussi, je l’ai dit et je suis très clair là-dessus il n’y a qu’à regarder le cas de la Côte d’Ivoire – néanmoins si ce verrou saute nous n’avons plus rien pour le moment. Je suis d’accord avec l’opinion d’Alain jules tout à l’heure quand il dit la réunion d’Addis-Abeba c’est de l’enfumage. Mais nous en tant qu’observateurs, en tant que commentateurs de la vie politique africaine nous avons le devoir de dénoncer cet enfumage et aussi d’exiger et de proposer à nos auditeurs qu’ils se mobilisent pour exiger de leurs gouvernants que si on quitte la CPI on prenne des dispositions pour que l’on ait sur le sol africain des institutions qui soient capables de faire le boulot.
Kanal K Sylvain AMOS : Que vous inspirent les déclarations de Desmond Tutu sur la CPI ?
Alain JULES : J’ai ri aux larmes quand j’ai entendu la sortie du prix Nobel de la Paix Desmond Tutu. Quand on sait par exemple que l’Afrique du Sud, ces gens-là, que ce soit Mandela ou que ce soit Desmond Tutu, vous croyez que ces gens-là ont eu les prix Nobel pourquoi ? Ils ont eu le prix Nobel simplement parce qu’ils ont mis en place un système judiciaire inexistant, c’est- à-dire que on a pardonné à tous ceux qui ont, à tous ces criminels-là qui étaient dans l’apartheid à fond, jusqu’au bout des ongles. Donc il y a eu la réconciliation, mais on n’a jugé personne. Quand il dit les gens seront impunis, on se pose des questions, pourquoi ils n’ont pas puni eux, ceux qui ont tué des noirs à droite et à gauche à Soweto par exemple, pourquoi ils n’ont pas jugé ces gens-là ? Cherchez l’erreur ! Maintenant on voit très bien les « qui » ont des prix Nobel en Afrique si vous voyez très bien. Finalement on accepte tout. Pourquoi la CPI, qui sait très bien que le M23 en RDC est parrainé par le Rwanda, ne poursuit pas le président Kagamé ? Finalement la CPI c’est une connerie, je pèse mes mots, et bien évidemment si d’un autre côté pour les chefs d’état africains c’était juste une simple menace, parce qu’ils ont peur de tous ces chefs d’état africains, même de leur ombre. C’est malheureux de le dire mais tel ou tel chef d’état, je ne les cite pas, par exemple ceux de la chasse gardée française vous croyez que s’ils veulent partir de la CPI, si François Hollande leur dit non vous ne partez pas, que vont-ils faire ? c’est de la gesticulation et c’est ridicule. On peut débattre là-dessus j’entends bien, je comprends ceux qui disent oui voilà l’impunité etc., mais l’impunité existera toujours, il suffira d’être l’ami des américains comme Kagamé et aujourd’hui on voit très bien, bon les américains font semblant de le lâcher. Mai voyez-vous moi personnellement tant que la CPI, tant que la plus grande puissance du monde c’est-à-dire les Etats-Unis ne ratifient pas le traité de Rome, la CPI pour moi c’est une coquille vide et les africains qui y restent c’est leur problème et je me dis qu’iils sont manipulés.
Kanal K Sylvain AMOS : Là c’est clair pour vous il faut que les pays africains se retirent de la CPI. Alors est-ce que vous croyez concrètement à la construction d’une juridiction européenne indépendante et crédible pour éviter un permis de tuer de mutiler d’oppresser comme l’a exprimé Desmond Tutu ?
Alain JULES : Oui on est contre çà, on est contre ça bien évidemment, d’abord moi je suis anti-guerre tout le monde le sait ici en France, partout où on dit qu’on fait la guerre je suis contre, donc à partir de là si derrière la guerre il y a des mutilations, ces gens qui commettent ce genre de crimes doivent être condamnés. Pourquoi ceux qui sont allés bombarder la Libye en violant la résolution 1963, pourquoi ils ne sont pas poursuivis ? Ils n’étaient pas partis en Libye pour faire un coup d’Etat, parce que c’est de cela qu’il s’agit, il y a eu un coup d’Etat en Libye. Qu’est-ce que l’ONU a décidé ? Pourquoi Barack Obama, (j’ai failli dire François Hollande) Nicolas Sarkozy, David Cameron, pourquoi la CPI n’a pas accusé ces gens-là de crimes de guerre ? Voilà la vraie question. Les Africains qui ne font pas le rapprochement entre les Etats-Unis et la CPI, avec l’assassinat macabre du Frère-guide Kadhafi, je crois que les africains sont perdus.
Kanal K Sylvain AMOS : On va laisser réagir François Fabregat, vous avez suivi Alain Jules ?
François FABREGAT CVU-Togo-Diaspora : J’ai très bien suivi. Ce que je voulais simplement rajouter c’est que je renvoie ces chefs d’Etat Africains qui ont pris cette décision à leurs responsabilités. Aujourd’hui il y a un de leurs homologues – Charles Taylor a été condamné, ok, je crois que ce qui s’est passé dans son pays ne plaide pas en sa faveur, et qu’il ait été condamné je ne vais pas pleurer sur son sort, car je suis comme Alain Jules contre la guerre à n’importe quel prix. Ça c’est le premier point ! Par ailleurs, Alain Jules parlait de la Libye, mais il faut aussi parler de la Côte d’Ivoire. La Côte d’Ivoire ça n’a pas été une promenade de santé de la part de Sarkozy et des français, et aujourd’hui il ya quand même Gbagbo qui se trouve à la CPI. Je ne pense pas que l’on puisse comparer Gbagbo à Charles Taylor ou à Milosevic. Je n’ai entendu, à l’exception d’un seul qui est un ancien chef d’Etat qui n’est pas en exercice aujourd’hui, je n’ai entendu aucun chef d’Etat africain en exercice aller pleurer sur le sort de Gbagbo. Il ne s’agit pas de pleurer sur le sol de Gbagbo, il s’agit d’exiger que dans le traitement du cas de la Côte d’Ivoire les choses soient plus équitables. Parce qu’aujourd’hui on assiste à quoi ? Gbagbo est à la CPI, la même CPI vient de demander Blé-Goudé, mais elle accepte tranquillement que Guillaume Soro se soit réfugié derrière son immunité parlementaire en tant que président de l’assemblée Nationale. C’est-à-dire que c’est la justice des vainqueurs. Alors effectivement cette CPI là, moi, que les américains, les Français la ratifient ou pas, elle est complètement discréditée c’est un instrument politique, cve n’est pas un instrument judiciaire. Moi personnellement ce que je crois, c’est qu’il appartient aux peuples d’inverser le rapport de forces chez eux et d’imposer que la justice fasse son travail dans leur propre pays. Et pour ça effectivement il faut renverser des régimes qui sont complètement antidémocratiques, comme dans nombre de pays comme c’est le cas malheureusement en Afrique aujourd’hui. C’est ça le fond du problème. Parce que je dis bien que c’est un problème qui n’est pas juridique mais éminemment politique à mes yeux.
Kanal K Sylvain AMOS : Alain Jules que direz-vous pour conclure ce débat… ?
Alain JULES : Je partage bien évidement l’avis de François Fabregat. En revanche c’est aussi le cas que j’ai failli oublier de Laurent Gbagbo. A partir de là je me dis que les africains se contredisent. D’un côté on voit comment Gbagbo il n’y a aucune charge contre ce monsieur qui se retrouve aujourd’hui enfermé à La Haye. Il y a de quoi se poser des questions. Cela veut dire simplement que ces gens se moquent de nous, c’est une institution politique, et une institution politique ne peut pas être là simplement pour jouer uniquement à la justice des vainqueurs. C’est triste, c’est la preuve avec la Libye, c’est la preuve avec Laurent Gbagbo. Donc voilà il y a autant de griefs que j’ai contre la CPI, que je me dis que rester à la CPI, c’est vraiment accepter d’être des caniches de l’occident.
Kanal K Sylvain AMOS : François Fabregat, alors retrait de la CPI, prise de conscience des dirigeants africains ou une fuite en avant, quel sera votre mot de fin ?
François Fabregat : Je vais revenir très brièvement sur ce que j’ai dit. Ce dont souffrent les africains aujourd’hui chroniquement comme nombre d’autres pays – car ce n’est pas propre à l’Afrique -, c’est d’un énorme déficit démocratique dans un très grand nombre de pays d’Afrique. A partir du moment où vous avez une démocratie qui fonctionne, eh bien vous pouvez faire fonctionner des institutions. Tant que vous n’êtes pas capables d’instaurer cette démocratie, vous aurez y compris un déficit institutionnel, dans la mesure ou bien sûr, comme il s’agit de dictatures ou de régimes autocrates, il n’y a plus de séparation des pouvoirs entre le politique et le judiciaire. Donc le maitre-mot c’est de continuer inlassablement cette lutte pour la démocratie et chaque fois qu’l y a un peuple africain qui fait des étincelles pour essayer d’imposer cette démocratie, nous devons être derrière lui corps et âme pour les soutenir car c’est par là que passera le problème de l’institution judiciaire et la possibilité de lutter enfin contre cette impunité. Voilà ce que je voulais dire et je remercie Alain pour ses appréciations fort pertinentes car le fond du problème je crois est celui-là.
C’était au micro de Sylvain Amos en collaboration avec Romain Koudjodji, Lucien Hunkanli et Fabbi Kouassi.
Contact: fenetre.afrique@gmail.com Tel : 0041 78 949 19 14
Notes:
- YOUTUBE : « Jean Ping revolté contre la Cour Pénale Internationale », Mise en ligne le 19 août 2011, http://youtu.be/U7B3FNSjJaQ ↩