Il y a 50 ans, frères et sœurs togolais, la liberté est proclamée, un nouveau drapeau, un nouvel hymne, une nouvelle devise, une nouvelle patrie est née par les togolais et pour les togolais. A l’annonce de cette liberté, la voix qui devrait nous rendre libre déchirait la toile épaisse de l’obscurité d’une nuit paisible pas comme les autres en disant en ces termes : « sentinelle, que dis-tu de la nuit ? La nuit est longue mais le jour vient ». Cette proclamation est arrivée comme une grande lumière d’espoir pour les millions de togolais qui avaient été brûlés par les flammes de la colonisation, de la division, de la haine et de l’injustice qui consument. Elle est venue comme une aurore joyeuse pour terminer la longue nuit de leur captivité et de leur peine.
Cette indépendance est indissociable de certains noms héroïques comme Sylvanus OLYMPIO le géniteur, celui qui a livré sa vie pour sauver ce pays en face de l’Ambassade des Etats-Unis (notre Golgotha), s’il ne faudrait pas exagérer, il est le messie du peuple togolais. Son sang a coulé sur la terre de nos aïeux. Il a certes mené la lutte, mais il n’était pas seul. Ses disciples et apôtres étaient Pa Augustino De SOUZA (l’argentier du groupe qui finançait toutes les rencontres pour négocier l’indépendance de ce pays), Martin AKU, Paulin FREITAS, Paulin AKOUETE, Jonathan SAVI de TOVE, Namoro KARAMOKO, FARE Djato, Théophile MALLY, Dr Gerson KPOTSRA, Rudolf THOMSON, Moussa KONA, Martin SANKAREDJA, Claudius FRANKLIN, Hospice COCO, Moustapha BAYOR, Ben APALOO, Me Anani SANTOS, Me François AMORIN, Max AITHSON, ABALO Firmin, Emmanuel NUBUKPO et tant d’autres encore.
Aujourd’hui, 50 ans plus tard tous les togolais se voient à travers cette sentinelle qui attend, attend et attend toujours ce jour qui traine les pas et qui a du mal à venir. Un demi siècle plus tard, le togolais n’est toujours pas libre; un demi siècle plus tard la vie du togolais est toujours tristement handicapée par les menottes de la division et les chaînes de la discrimination; un demi siècle plus tard, le togolais vit isolé sur une île d’indigence au milieu d’un vaste océan de prospérité; un demi siècle plus tard, le togolais languit toujours dans les coins du pays et il se trouve exilé, embrigadé et embastillé sur son propre territoire.
« Sommes-nous véritablement libre ? » Voici la question que tout le monde se pose aujourd’hui. C’est émouvant, oui vraiment émouvant lorsqu’on rentre en soi pour faire une rétrospective et jeter un regard sur l’histoire de notre cher Togo, de notre mère Patrie qui n’a toujours pas sa liberté, un constat sérieux s’impose : 2010 n’est pas une fin, mais un commencement. Les tourbillons de la révolte continueront à ébranler les fondements de notre nation jusqu’à ce que le jour clair de la justice se lève à l’horizon.
La sentinelle espérant en vain le jour se perdit dans un léger sommeil dans son mirador même si cela va à l’encontre de ses règlements, il était éreinté, courbaturé sous le poids de son fusil. Dans son sommeil il eut un rêve, celui de la liberté, d’un monde merveilleux et paradisiaque où coulent à flot le lait et le miel.
Je rêve qu’un jour, aux fins fond de nos préfectures, avec ses préfets pleins de haine et qui dégoulinent les mots de l’interposition, de division et de la nullification, un jour, même là, dans ces contrées, les enfants de ce pays pourront aller la main dans la main comme frères et sœurs unis et soudés comme un corps bravant toute attaque impérialiste chantant «La terre de nos aïeux », le Nord et le Sud ne feront qu’une seule entité, un seul peuple, une seule nation, un seul pays.
Je rêve de voir un jour assis autour de la même table, les descendants des victimes des massacres de Pya-Hodo, de Kamina et de Vogan et les enfants des Ablodé Sodja, de voir autour de cette même table les enfants des victimes de Fréau Jardin, de la lagune de Bè et ceux des militaires des FAT qui les ont assassinées. De voir les progénitures des victimes de Kazaboua et d’Agombio ensemble avec ceux de leurs bourreaux. De voir la population d’Atakpamé se réconcilier avec le Major KOULOUM. De voir les jeunes vaillants défenseurs de la liberté des quartiers Bè, Kodjoviakopé, Nyékonakpoè, Hanoukopé, Amoutivé, Adakpamé, Baguida, Gbadago etc. toujours marqués par les cicatrices indélébiles de la division et de la discrimination et les forces de l’ordre (qui à la place des kalachnikovs prendront les fleurs et les bougies allumées, flamme de la liberté) marcher côte à côte, main dans la main chantant les slogans de la liberté et de la vraie indépendance.
Je rêve de voir un jour dans ce pays une armée neutre et républicaine prête à servir avec loyauté le peuple et non celle qui sera au commande d’une minorité pour réprimer la majorité avide de ses droits et luttant pour sa liberté.
Je rêve de voir un jour Dina GRUNITZKY épouse OLYMPIO tenir la main de Véronique OSSEYI épouse EYADEMA (dans l’autre monde), de voir main dans la main Bonito Herbert et Ernest (dans l’autre monde), Faure et Gilchrist, Elpidio Fernando et Mey, Ablavi Rosita et Tchitchidè, Ayaba Sylvana et Badenga, bref les Olympio et les Gnassingbé scandant haut et fort le pardon et la réconciliation, signe de la véritable indépendance.
Je rêve de voir un jour dans ce pays tous les jeunes au travail. De voir les garçons travailler non pas parce qu’ils ont un chef d’entreprise dans leur famille mais parce qu’ils ont les diplômes et la compétence. De voir les jeunes filles dans les bureaux non pas parce qu’elles ont livré leur corps aux directeurs mais parce qu’elles ont le mérite. De voir dans les entreprises une diversité et un brassage culturel et ethnique que d’entendre le patois d’une seule préfecture régner en maître absolu. De voir les jeunes togolais dans les universités étrangères avec des bourses d’études non pas parce qu’ils sont issus d’une quelconque ethnie mais parce qu’ils sont des majors de promotion.
Je rêve de voir moins de jeunes filles travailleuses de sexe dans la nuit, et de voir diminuer le nombre de filles matérialistes qui livrent leur corps contre des voitures 4X4, celles qui mangent à la sueur de leur cuisse.
Je rêve qu’un jour les enfants de ce pays vivront dans une nation où ils ne seront pas jugés sur leur appartenance ethnique et sociale, mais sur la valeur de leur caractère.
Je rêve de voir un jour la cours des comptes et la commission anti-corruption pondre les rapports de leur travail dans la loyauté et dans la légalité.
Je rêve de voir l’instauration d’un Etat de droit où les droits de l’Homme primeront, où les étrangers cesseront de dire aux togolais qu’ils ont la justice dans leur poche.
Je rêve de voir la circulation sur les routes togolaises rendue fluide par la construction de nouvelles routes, de voir les véhicules sortir des embouteillages où ils trainaient clopin-clopant en évitant ces crevasses causées partout par la vétusté des infrastructures. De voir le désenclavement des villages de la grande savane togolaise. De voir les populations de Nayéga, de Tamatougou, de Nakpatchal, de Tambongou etc. écouler leurs produits agricoles sur les marchés voisins par des routes bien construites où les ponts tiendront face aux intempéries. Le vrai développement d’un pays passe par la route.
Je rêve de voir un jour les Libanais, les Indiens, les Coréens, les Ibos bref les étrangers se conformer à la législation fiscale du pays.
Je rêve de voir les togolais cesser de franchir les frontières rien qu’à aller passer un coup de fil de l’autre côté où le coût est moins cher, et de voir cette situation dans le sens inverse.
Je rêve de voir qu’un jour la vraie histoire du Togo sera enseignée dans les écoles, de voir qu’un jour la lumière soit faite sur l’assassinat de premier président élu du Togo, et de voir sur les pancartes et les panneaux, les tricots et pagnes des circonstances tous les sept chefs d’Etat de ce pays qui sont Sylvanus OLYMPIO (9 avril 1961 au 13 Janvier 1963), Emmanuel BODJOLLE (13 au 15 Janvier 1963), Nicolas GRUNITZKY (15 Janvier 1963 au 13 Janvier 1967), Klébert DADJO (13 Janvier 1967 au 14 Avril 1967), Eyadéma GNASSINGBE (14 Avril 1967 au 05 Février 2005), El Hadj Abass BONFOH (28 Février 2005 au 03 Mai 2005), Faure GNASSINGBE (04 Mai 2005 à nos jours) au lieu de cinq qu’on nous fait avaler. De voir la fin de la polémique entre les expressions Père de l’indépendance et Père de la nation.
Je rêve de voir au Togo, les familles assises ensemble et mariés leurs fils et filles tels que les Kpatcha avec les Ayélé, les Ayité avec les Mazalo sans interposition des uns et des autres, de voir les Lawson et les Essohanam, de voir les Folly et les Essozinam, de voir les Kangni et les Palanga, de voir les Amouzou et les Mouzou, les Akakpo et les Yendoubé, les Johnson et les Kolani, les Amorin et les Awidjolo, les Ayéva et les Agba, les De Souza et les Méatchi, les Ajavon et les Tchaou, les Doh-Folly et les Laokpéssi, de voir la fin des luttes intestines sans fondement.
Je rêve de voir un jour proclamer dans ce pays les vrais résultats des urnes. Je rêve de voir le pouvoir et l’opposition ensemble assis à une table de discussion sans médiateur. De voir le jaune et le blanc ensemble, la foi et l’espérance, de voir les leaders politiques tenir un même langage, celui de la libération du peuple togolais. De voir les hommes politiques primer les intérêts communs au mépris de l’intérêt personnel (madou-madou). De voir une union des chefs politiques luttant pour la même cause, de bannir l’ethnocentrisme, l’égocentrisme qui règne au sein des dirigeants. De voir la réunification de l’UFC, la symbiose des partis de l’opposition pour une même et unique lutte.
Je rêve de voir les Eperviers voler haut et loin dans le ciel africain en franchissant le premier tour des éliminatoires des CAN et non les problèmes perpétuels qui lacèrent la Fédération Togolaise de Football à travers cette guerre des gangs inutile pour sauver les intérêts personnels.
Je rêve de voir un jour un peuple uni et aligné derrière ses dirigeants droits et fiers comme une tour de cathédrale, prêt à affronter monts et vallées pour faire avancer le Togo.
Je rêve de voir les âmes de ceux qui ont versé leur sang pour la liberté de ce pays pousser un ouf de soulagement dans leur tombe et que du fond des cimetières nous puissions entendre leur chant de gloire, la gloire de la liberté, la liberté de la vraie indépendance, l’indépendance de leur sang, le sang de leur lutte, la lutte de nos compatriotes.
Je rêve de voir de vaillants combattants de la liberté s’affronter sur les champs de bataille pour une libération totale du pays. J’ai entendu la fin du cri du sang des cent innocents, j’ai vu le bout du tunnel, j’ai vu la lumière, j’ai enfin vu le soleil poindre à l’horizon, le soleil de la liberté, le soleil des indépendances, le soleil de la réconciliation, le soleil d’un Togo uni, le soleil de la fin d’un règne sans partage.
Que la liberté retentisse dans les collines prodigieuses d’Atakpamé, dans les vallées d’Amlamé, dans les plateaux de Kpalimé, jusqu’aux imposants massifs de Tchaoudjo. Que la liberté retentisse du sommet du majestueux Pic d’Agou. Que la liberté retentisse dans les savanes de Dapaong et de Mango. Que la liberté retentisse dans les forêts de Kantè. Mais non seulement cela. Que la liberté retentisse sur les plages de Lomé et d’Aného, le long des fleuves Mono et Oti. Que la liberté retentisse dans chaque ville, et dans les moindres châteaux Tamberma. “Que du versant de chaque montagne retentisse le carillon de la liberté!”
Et quand cela se produira, quand nous permettrons à la liberté de retentir, quand elle retentira dans chaque ville, dans chaque village, et dans chaque hameau, nous serons à mesure de hâter l’arrivée du jour où tous les enfants de Dieu (Ewé, Kabyè, Mina, Guin, Ifè, Wouatchi, Adja, Tèm, Bassar, Moba, Tchokossi, Losso, Naoudéba, Lamba, Tamberma, Gourma, Peul etc.) chanteront leur liberté. Jour où les leaders des partis politiques tels que UFC, CDPA, CAR, RPT, OBUTS, PRR, CPP, PDR, PSR, Sursaut-Togo, CMDT, CVU, MOLITO, SYNERGIE, etc. pourrons chanter en se tenant la main ces mots de la vieille chanson de la liberté: « FOFO SI NUSE LE, ABLODE, ABLODE, ABLODE GBADJAAAAAAA !!!!! »
Togo, toi dont nous chantons la mémoire aujourd’hui, lève toi et brille de mille feux par la réunification totale de ton peuple.
J’ai fait un profond rêve. BAW.