Une rentrée scolaire qui prend l’eau !
Parmi les huit objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) fixés en 2000 qui doivent être atteints à l’horizon 2015, figure l’objectif 2 consistant à assurer l’éducation primaire pour tous. Les OMD ne peuvent être atteints que si les autorités gouvernementales font preuve de volonté réelle et s’impliquent directement par la mise à disposition et la décentralisation des ressources financières adéquates auprès des acteurs. Au delà des belles promesses, les chiffres tendent à démentir la volonté réelle du système au pouvoir au Togo, l’Etat RPT (Rassemblement du Peuple Togolais), de contribuer à la réalisation de ces grands principes. Ce ne sont pas les allègements de la dette, sans transfert de compétence vers les acteurs de la société civile, ou les aides dites au développement qui retournent pour plus de 60 % aux pays donateurs, ni même le commerce asymétrique fondé sur la vente de matières premières non transformées contre des produits industriels à haute teneur de valeur ajoutée, qui pourront inverser la donne.
1. L’ETAT TOGOLAIS GERE MAL LE SECTEUR EDUCATIF
Le problème doit être revu dans sa globalité en commençant par le capital humain, les ressources humaines, leur capabilité et les capacités institutionnelles mises à leur disposition en fonction de leur pouvoir d’achat. En considérant l’éducation et les formations délivrées en majorité au Togo, il y a lieu de s’interroger sur la finalité du système éducatif togolais, reposant d’ailleurs sur un vieux système français où l’apprentissage de la langue de Molière, parfois du 16e siècle, reçoit plus rapidement des financements et des coopérants, que la filière de soutien à l’entrepreneuriat dans le domaine avicole ou l’apprentissage dans le travail du bois.
Il faut donc ne pas trop se focaliser sur les objectifs du Millénaire, surtout quand on sait que beaucoup d’Etats ont des critères très différents pour l’enregistrement des données, faussant ainsi les comparaisons et surtout donnant l’impression qu’il y a des améliorations. Mais en réalité le Peuple ne voit rien de concret, et les populations ne savent plus quoi faire quand la cherté de la vie impose des sacrifices à chaque rentrée scolaire dans les ménages togolais, qui n’ont qu’à pleurer et pousser des cris qui restent peu audibles auprès de leurs dirigeants. La « rentrée » est trop chère ! Qui va devoir rester à la maison ou au village car l’argent ne permet d’envoyer que l’un et pas l’autre des enfants ?
Quel déchirement inhumain, alors qu’il suffirait dans ce domaine comme dans d’autres, d’enlever la gestion des transferts des recettes fiscales du cercle étatique pour le confier à une structure publique-privée où les institutions de formation, les représentants des élèves et des étudiants, les institutions financières d’appui, les entreprises seraient représentées au même titre que l’Etat. S’il faut affirmer que le peuple togolais ne fait pas confiance à l’Etat dans la gestion du secteur éducatif, alors oui, l’Etat semble prouver qu’il est plutôt un mauvais gestionnaire et doit en prendre conscience. Mais on ne transforme pas aussi facilement les structures de ce secteur.
2. LES DEMOCRATES FORMENT, LES ANTI-DEMOCRATES DESINFORMENT !
Pour se convaincre de la mauvaise gestion dans le secteur éducatif depuis plusieurs années – tout en rappelant les retards réguliers dans la mise à disposition des « aides financières des étudiants » suite à la suppression de la bourse – il suffit de constater que le système en place s’est spécialisé au fil des années pour créer des chômeurs. C’est cela le vrai problème !
Que disent les chiffres ? Le Togo est systématiquement resté en deçà de la moyenne de l’Afrique subsaharienne (AS) pour ce qui est d’assurer l’éducation primaire pour tous. En 1991, le nombre d’élèves terminant avec succès leur CM2 était de 51 % en Afrique subsaharienne contre 35 % au Togo. En effet, le Togo était occupé à faire « l’animation », en fait à danser à la gloire du Président de l’époque et son « parti-Etat ». En 2008, malgré les progrès, ce taux était de 62 % en AS contre 61 % au Togo. Manifestement, le Togo a progressé certes, mais en 2008, le Ghana affichait 79 %, le Bénin 65 % et le Burkina Faso, 38 % 1. La corrélation entre le déficit démocratique, l’absence de vérité des urnes au Togo et au Burkina Faso et l’incapacité à organiser le transfert de connaissances à la population doivent être relevés. Ces deux pays devraient donc rencontrer d’énormes difficultés pour atteindre l’OMD dans le domaine de l’éducation en 2015 si les gouvernances passée et actuelle perdurent.
3. LE SYSTEME RPT/AGO PROMEUT LA TRICHERIE ET NON LE MERITE
Avec une population togolaise qui devrait augmenter chaque année d’au moins 2,3 % d’ici 2015 2, avec plus de 40 % de population âgée de moins de 14 ans, il faudrait au moins le double, en termes de croissance économique et le quadruple en termes de création d’emplois, pour s’assurer que le niveau de chômage au Togo soit en dessous de 5 %. La croissance économique du Togo est estimée à 2,6 % en 2010 par le Fond monétaire international (FMI) 3. Il est donc clair que près de la moitié des jeunes et des moins jeunes risqueront d’être au chômage dans les 15 prochaines années si le système de Faure GNASSINGBE perdure.
La situation pourrait peut-être s’améliorer si les couples togolais acceptaient de faire moins d’enfants ou tout au moins s’assuraient de donner autant de chances en termes d’éducation à tous les enfants sur une base égalitaire. A défaut, le constat est amer car au Togo, plus de 38,7 % des enfants togolais entre 7 et 14 ans travaillent pour subvenir au besoin de leur famille 4. 72 % de ce groupe d’âge travaillent dans des familles où ils ne sont pas payés ou largement en dessous de ce qui pourrait constituer un minimum vital.
Quand tout un pays accepte ce mode de fonctionnement, il est clair qu’il y a une différence entre ceux qui croient sortir des « en-haut d’en haut » et ceux qui oublient qu’ils sont sortis des « en bas d’en bas ». Cette inégalité culturelle demeure le fondement de la structuration du « capital travail » et des opportunités pour tout un chacun de réussir au Togo. Tout le monde a sa chance au Togo, sauf que certains sont plus « chanceux » que d’autres du fait de la naissance ou de l’appartenance au cercle restreint de la clientèle RPT/AGO.
Il n’y a qu’au Togo, que certains qui ont triché pour obtenir ou acheter leur diplôme, se retrouvent ministres ou à des postes importants, au même niveau que d’autres qui ont triché mais n’ont pas obtenu les diplômes, ceci grâce au système clientéliste qui n’est basé ni sur le mérite, ni sur l’éthique. Comme personne ne souhaite se retrouver au chômage et que le budget pour la formation continue est maigre, ceux qui obtiennent une parcelle de pouvoir au Togo dans ces conditions, n’ont aucun intérêt à quitter ce système qui les a promus aux dépens de Togolais ou Togolaises plus méritants.
En 2005 au Togo, plus de 69,3 % de la population vivait avec moins de 564,51 FCFA par jour 5. Chaque togolais devrait donc faire son calcul aujourd’hui et considérer qu’il est « sorti » du seuil minimum de pauvreté s’il touche plus de 17.000 FCFA par mois ! Seulement, même en étant au dessus de ce plancher, les moyens pour envoyer les enfants à l’école sont largement insuffisants. Le Togo se doit de verser budgétairement dans la solidarité nationale, en affectant une partie importante – plus de 15 % du budget national – pour l’éducation, la formation, le recyclage et la formation professionnelle. Les entreprises privées devront aussi être appelés à consacrer 5 % de leur bénéfice, à la mise à niveau de leurs salariés et offrir des stages pour les étudiants, afin que le lien entre la formation et l’entreprise ne continuent pas à dépendre de la fatalité du monde de l’ésotérisme ou des « pistons claniques ».
4. NEGLIGENCE BUDGETAIRE DE L’ETAT ENVERS L’EDUCATION PRIMAIRE
Après avoir éliminé plus de 39 % de sa population dès le CM2, on constate qu’au niveau secondaire, le Togo a progressé en faisant passer le nombre des élèves inscrits au secondaire de 20 % en 1991 à 41 % en 2008 6. Il faut surtout ne pas regarder l’âge, car on peut retrouver dans les classes de 6e et de 5e, des enfants de 11-13 ans à côté de grands gaillards de 19-22 ans. Ainsi, plus de 53 % de la population jeune – entre 15 et 24 ans – travaillait déjà en 2008, contre plus de 65 % de la population âgée de 15 ans et plus, soit un point au-dessus de la moyenne de l’Afrique subsaharienne estimé à 64 % 7.
Il va de soi que si au Togo 20 % de la population la plus aisée accapare 47,1 % des revenus déclarés, et que 20 % parmi la plus pauvre n’en reçoit seulement que 5,4 % 8, la distribution des richesses ne peut qu’être inégale, l’accès à l’école et la formation aussi. Les opportunités de trouver un travail, relèvent d’un véritable parcours du combattant, en sachant que le pauvre sait qu’il a plus de chances de « rester à la case départ » à moins de trouver le segment du marché dans le domaine du commerce de détail. Les filles et les femmes sont les plus vulnérables et les chances d’un mariage d’argent se font de plus en plus rares, puisque le mariage avec les riches se fait sur la base d’une rotation des épouses de plus en plus fréquente, même dans un régime de bigamie.
La politique du système RPT n’est pas efficace pour la simple raison qu’une priorité n’est pas accordée à l’éducation et les affectations budgétaires sont mal réparties. C’est ainsi qu’en 2008, les dépenses de l’Etat pour l’éducation n’ont pas dépassé 3,7 % du Produit intérieur brut (PIB), soit 17,2 % des dépenses du gouvernement. Et encore faut-il aller voir les comptes dans le détail et s’accorder sur ce que le Gouvernement togolais entend par formation ! Là il n’y a pas photo ! On trouve à peine 14,6 % de professeurs formés et disponibles pour l’enseignement dans l’éducation primaire au Togo en 2008, contre 49,1 % au Ghana, 87,7 % au Burkina-Faso et 71,8 % au Bénin. La moyenne d’enfants par classe dans le primaire était au Togo de 39 élèves pour 2008, contre 31 au Ghana, 49 au Burkina-Faso et 45 au Bénin.
5. NEGLIGENCE BUDGETAIRE DE L’ETAT ENVERS L’EDUCATION SECONDAIRE
Tous les parents d’élèves et d’étudiants au Togo doivent savoir, que depuis plus d’une dizaine d’années de gestion de l’éducation par le système RPT – plus particulièrement depuis l’arrivée de Faure GNASSINGBE en 2005 – les dépenses par étudiant consacrées à l’éducation secondaire n’ont fait que chuter. C’est ainsi qu’au Togo 30,3 % du PIB par habitant était consacré aux dépenses par étudiant dans le secondaire en 1999, contre à peine 19,1 % en 2008. En réalité, le transfert s’est fait sur l’enseignement universitaire qui reçoit plus de 155,2 % par habitant 9, avec une asymétrie favorisant les populations considérées comme une clientèle naturelle du RPT. Il y a plus de garçons, que de filles – 56 % pour 49 % 10 – qui rentrent en 6e, alors que le nombre moyen de redoublement en primaire est en augmentation avec près de 23,5 % des élèves 11.
Toutes ces informations conduisent à une augmentation du nombre d’analphabètes âgés de 15 ans et plus avec plus de 77 % d’hommes et 54 % de femmes 12. Ainsi, les élèves togolais quittent le circuit scolaire entre 15 et 19 ans avec une moyenne de 6 ans d’études pour les populations pauvres et une moyenne de 7 ans d’études pour les populations riches. En 2006, seulement 5 % des populations riches contre 20 % pour les populations pauvres n’inscrivaient pas leurs enfants à l’école 13 mais depuis, l’écart s’est creusé avec les inégalités récurrentes au Togo. Bref, il est clair qu’il faut manger, être en bonne santé, avoir un environnement propre et sain, pouvoir financer son déplacement et avoir les moyens pour acquérir le matériel scolaire pour avoir de bonnes chances de réussir et ne pas subir des coupures d’électricité intempestives. Il ne faut donc pas s’étonner que le système éducatif togolais tende à former des gens pour occuper des postes et ne plus les quitter, sauf par la force et non pour créer de la valeur ajoutée pour le pays.
Les conséquences de cette situation obèrent les capacités de développement du Togo. Pour la période 2000-2007, le nombre de citoyens togolais en recherche et développement (R&D) ne dépassaient pas 34 pour un million d’habitants et 17 techniciens pour un million d’habitants. L’Afrique du Sud, pays africain émergent, pour la même période avait respectivement 382 chercheurs en R&D par million d’habitants et 130 techniciens pour un million d’habitants 14. Il est ainsi naturel qu’avec le système de loterie pour obtenir un visa pour certains pays, les expertises togolaises migrent, et ce dès qu’une compétence peut se vendre, mieux payée ailleurs, et avec moins de problème familiaux et politiques !
6. EDUCATION A DEUX VITESSES AU TOGO : FORMATION SANS DEVELOPPEMENT
Les capacités éducatives d’une nation figurent parmi les facteurs déterminants qui permettent de mesurer son niveau de développement. Sa faculté à pouvoir s’engager dans une dynamique de production de richesse et de partage de celle-ci entre les citoyens, dépend en grande partie de son aptitude à offrir à sa jeunesse un bon niveau de formation, qui permet à chaque individu de déployer ses talents et de créer une dynamique sociale qui contribue à l’essor collectif.
A l’instar de la situation de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest, la faiblesse du secteur éducatif est devenue un mal endémique au Togo. La politique éducative suivie par l’Etat, ne permet pas malheureusement d’assurer un niveau de renouvellement des forces productives, qui soit à la hauteur des exigences pour soutenir un développement durable et créateur d’emplois décents. Malgré les effets d’annonces, l’enseignement public dans ses différentes composantes, trop longtemps abandonné à lui-même, n’a bénéficié jusqu’ici que de peu d’attention, de l’attention et surtout des moyens financiers que tout Gouvernement qui a à cœur le développement de son pays doit mettre à la disposition de sa jeunesse pour lui permettre d’assurer son développement individuel. Le secteur privé peine à prendre la relève et ne peut de toutes les façons pas tout faire sinon, ce sera une éducation à deux, trois ou plusieurs vitesses.
C’est ainsi qu’en cette rentrée 2010-2011, ce sont plus de deux millions d’élèves des enseignements primaire et secondaire, qui étaient censés reprendre le chemin de l’école le 13 septembre. Mais dans quelles conditions ? L’école publique n’arrive plus à honorer les espérances placées en elle, ce depuis que le « laisser-faire » rime avec les réductions budgétaires que les institutions de financement de Bretton Woods avec leurs plans d’ajustements ont systématiquement décimé le système éducatif et la formation soutenue par l’Etat depuis les années 1980. Les subventions de l’Etat sont nécessaires et les supprimer, c’est choisir de tuer l’essor de l’école publique. Que le Gouvernement togolais n’ait pas été assez courageux pour s’y opposer et trouver d’autres voies pour soutenir le secteur privé, apparaît aujourd’hui comme une démission volontaire, soit un mépris pour la formation et l’augmentation du niveau général de la population. Il ne faut même pas parler du manque d’équipements et de structures d’appui qui ne trouvent plus de financement. On se contente de palliatifs avec les effets d’annonce ici et là sans véritables suivis et de maintenance.
7. FLEXIBILITE UNIVERSITAIRE AU TOGO : LMD OU LAISSER LES MAITRISARDS SE DEMERD…
Avec la rentrée cette semaine dans les deux universités (Lomé et Kara) que compte le Togo, la situation n’est pas plus brillante. François GALLEY, le Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, membre de la secte AGO et proposé par Gilchrist OLYMPIO, annonce des enveloppes, mais ne précise pas les dates précises pour l’exécution de ses annonces.
Le Gouvernement, par la voie du Ministre GALLEY, a annoncé avec fanfare qu’une enveloppe, et non un budget, de 4,5 milliards de FCFA sera affecté aux étudiants togolais résidant au Togo en 2010 et 265 millions de FCFA seront octroyés aux étudiants togolais vivant à l’étranger. En divisant par les 64.000 étudiants résidant au Togo, chacun devrait se voir allouer la somme de 70.312,5 FCFA. Chacun des étudiants n’aura qu’à faire son calcul pour voir si le compte y est et si les décaissements auront lieu dans les temps. Un bilan de la répartition de l’enveloppe de l’année qui vient de s’écouler aurait permis de mesurer la performance du système. Il faut espérer que l’ouverture du restaurant à l’université de Kara et les nouveaux bus pour assurer le déplacement des étudiants ne se heurteront pas aux approvisionnements en nourriture et en essence 15.
Sur le fond, il est question de « poursuivre la construction des infrastructures universitaires, l’acquisition du matériel pédagogique et des ouvrages et l’accompagnement effectif de la mise en œuvre du système Licence-Master-Doctorat (LMD) 16 ». Sans réel état des lieux sur ce qui a été fait ou plutôt n’a pas été fait, voire mal fait par le passé – sans précisions sur les budgets, qui seules permettent de croire à ce qu’il annonce, et sans concertation avec les représentants des étudiants et le corps professoral sur les avantages ou inconvénients du système LMD – il est difficile d’évaluer les chances de mise en œuvre du discours du Ministre, qui semble-t-il manquait de conviction dans son allocution.
Si selon le Ministre, le fait « d’offrir une plus grande souplesse dans les conditions d’études » consiste à introduire de la flexibilité dans l’obtention des diplômes, il faut constater qu’un tel système aura principalement d’abord pour objectif de faire augmenter le nombre d’échecs entre la 1e et la 3e année de licence, sans d’ailleurs que l’étudiant qui a échoué puisse se prévaloir d’un diplôme intermédiaire. De nombreux étudiants qui auront échoué se retrouveront avoir dépensé de l’énergie et de l’argent pendant 3 ans sans autre recours que de se retrouver au chômage. Les voies parallèles et autres circuits de rattrapage ne faisaient pas partie du discours.
Il s’agit donc d’une flexibilité dans la formation de futurs chômeurs et un alignement sur un système français qui permet par des concours et des passerelles diverses à l’étudiant de se réorienter dans sa formation et dans sa vie active. Alors quand on copie, il faut tout copier. Il y a donc véritablement une prolongation du système D qui modifie la valeur du diplôme LMD obtenu qui devient alors : Laisser les maitrisards se démerd.. Les parents d’étudiants sont prévenus !
8. UNE RENTREE SCOLAIRE HISTORIQUEMENT LA PLUS DEPLORABLE
Pour tous les observateurs objectifs confondus, cette rentrée scolaire est la plus incommode qu’auront connu les élèves depuis de longues années. A l’obsolescence des équipements sont venus se rajouter les désagréments d’une rentrée marquée par d’importantes inondations, prévisibles par ailleurs, qui ont conduit à la fermeture de nombreuses écoles.
Pourtant, Mme Bernadette Essosimna LEGUEZIM-BALOUKI, la Ministre des enseignements primaires et secondaires, semble satisfaite de sa rentrée scolaire. Sans faire le bilan des actions passées et des résultats bien mitigés obtenus, elle a choisi de ne visiter que là où tout semble aller pour le mieux et a soigneusement évité les écoles inondées, ce qui lui a permis, comme au demeurant tout le Gouvernement, d’esquiver les véritables problèmes des parents d’élèves et des principaux concernés, les élèves.
Il s’agit donc de bien indiquer que le Togo fonctionne à plusieurs vitesses au plan de l’éducation. Les « en-haut d’en haut » peuvent se permettre, parce qu’ils ont les moyens, d’envoyer leurs progénitures dans des établissements occidentaux avec parfois une moyenne de 20.000 € l’année (13 millions de F CFA). D’autres peuvent les envoyer dans les pays africains où la scolarité est plus abordable. D’autres encore peuvent le faire au Togo dans les écoles privées si le pouvoir d’achat suit. Et, la majorité des parents d’élèves togolais ne peuvent que se contenter de l’école publique où la gratuité rime parfois avec l’absence de responsabilité de l’Etat. C’est ainsi que de nombreuses écoles sont dans des zones inondables autour du Mono et le Gouvernement ne semble pas avoir eu une pensée pour les élèves dont les classes sont partiellement inutilisables car remplies d’eau et de boue. Il s’agit d’une « une rentrée historique à tel point elle a été catastrophique, et sans précédent dans les annales de l’éducation du Togo », rappelle la journaliste indépendante Fabbi Kouassi 17.
Entre autres désagréments pour les élèves et le corps enseignant, il faut noter les équipements obsolètes, ce qui a conduit les écoles à fermer en raison des salles de cours inondées (ZORRO-BAR, KANYIKOPE, BAGUIDA, ADAKPAME). Les élèves de certains collèges d’enseignement général (CEG) sont amenés à suivre les cours en compagnie de nouveaux élèves « allogènes », à savoir des grenouilles et des serpents. Personne ne veut en parler officiellement alors que c’est la vérité dans les faits. D’autres « péripéties de la rentrée scolaire témoignant des résultats médiocres de l’action du gouvernement au cours des périodes précédentes sont volontairement cachées afin de faire croire que la situation est normale conformément aux dires des officiels et que les élèves n’ont qu’à reprendre le chemin de l’école, sans « broncher ».
9. ENSEIGNEMENT DU PRESCOLAIRE ET DU PRIMAIRE GRATUITE AU TOGO ?
Dans le cadre de la vérité des comptes, il devient important et urgent pour réconcilier les comptes du Togo avec les faits sur le terrain, que le Gouvernement et les officiels de l’aide au développement, sans langue de bois, expliquent l’utilisation effective des fonds transférés sous forme d’aides ou de crédits remboursables directement dans le budget de l’Etat togolais. Il suffit de prendre l’exemple du fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) qui fait d’importants efforts pour soutenir régulièrement le Gouvernement togolais dans le cadre de son programme « Education primaire pour tous » inscrit dans les Objectifs du Millénaire pour le Développement (1,280 milliards de FCFA (2,6 millions US$) pour la rentrée scolaire 2010-2011) 18. Si ces fonds avaient directement été affectés pour réhabiliter les écoles, soutenir les familles défavorisées notamment en zones rurales et surtout étaient évalués avec les vrais populations bénéficiaires, peut-être que les résultats seraient plus concluants.
L’indigence du système éducatif togolais se situe à tous niveaux – équipements obsolètes et inadaptés, manque cruel de moyens mis à la disposition des établissements pour l’épanouissement des élèves, programmes scolaires et universitaires inefficients, fausse gratuité dans le primaire puisque certains parents d’élèves se plaignent de devoir encore acquitter des frais d’inscription, salaires de misère du corps enseignant, « aides universitaires » aux étudiants non réguliers et soumis à des aléas non démocratiques, cherté des fournitures scolaires – ne permet plus depuis fort longtemps de former une jeunesse qui pourrait assurer le développement économique du pays.
C’est donc d’une véritable démission de l’Etat qu’il faut aujourd’hui parler face aux problèmes scolaires, ce qui n’empêche pas de donner des apparences d’actions qui ne trompent que ceux qui croient aux promesses non tenues et aux actions non évaluées par des expertises indépendantes.
En effet où sont passés aujourd’hui les réalisations concrètes de la première tranche des 45 millions de dollars couvrant la période 2010-2012, pour la construction de près de 1000 salles de classe annoncée le 4 juin 2010 par le Premier ministre HOUNGBO dans le cadre du programme multilatéral « Education pour tous » ? Ce point mérite d’être souligné puisque les déclarations ont eu lieu lors de la présentation de son discours de politique générale devant le Parlement. Est-il normal que lors de la rentrée scolaire 2010-2011 aucune salle de classe ne soit encore sortie de terre, à moins que cela ne soit pas officialisé ?
Comment peut-on vérifier la localisation des 579 nouvelles salles de classes équipées de mobiliers et blocs sanitaires annoncées pour cette rentrée, la réintégration de plus de 12.133 enseignants auxiliaires et le recrutement de plus de 5.000 nouveaux enseignants auxiliaires pour le préscolaire, le primaire et le secondaire de l’enseignement général et technique ?
Cette faillite du système est d’autant plus évidente qu’il s’agit de la troisième rentrée depuis que le gouvernement Faure GNASSINGBE a décrété la gratuité de l’enseignement du préscolaire et du primaire et que certains directeurs continuent par percevoir encore des frais sous le couvert de cotisation parallèle 19 !
10. SERVIR D’ABORD LES POPULATIONS ET TRANSFERER LE SAVOIR
Selon un responsable du Fond monétaire international 20, d’ici décembre 2010, le Togo, va bénéficier d’une réduction de sa dette extérieure de 90 %, soit près de 2,2 milliards de US$. Il est question pour le FMI de l’investir les nouvelles possibilités de ré-endettement dans les secteurs productives tels que le secteur bancaire, les secteurs des phosphates, d’électricité et des télécommunications. Mais on s’étonne que le FMI oublie systématiquement les petites et moyennes entreprises qui ont toujours été l’épine dorsale pour soutenir et accélérer la croissance économique et assurer une meilleure répartition des revenus. Rien ne peut se faire sans un investissement massif dans la mise à niveau des expertises pratiques des étudiants et élèves sortant du circuit scolaire.
Le CVU invite donc le FMI à revoir sa copie et à suggérer le soutien aux capacités humaines en termes d’expertise pratiques notamment dans l’entrepreneuriat et le management.
Le CVU suggère que le Gouvernement change ses méthodes pour impliquer dès le départ les représentants des élèves, des étudiants, des enseignements et professeurs, des parents d’élèves et même des syndicats, car le lien avec les entreprises est indispensable.
Le CVU propose de lancer avec l’ensemble des acteurs une campagne nationale du savoir au service des populations avec des expertises indépendantes. La Campagne nationale du transfert des connaissances doit intégrer le lien entre l’éducation et la formation, l’entrepreneuriat, la création d’emplois et de revenus décents ne se déclinera plus telle une société segmentée. C’est aussi cela l’unité du Togo. La connaissance doit pouvoir se conjuguer à la sauce multisectorielle et générer de la valeur ajoutée et des contenus technologiques.
Ainsi, le Togo pourra enfin quitter sa stratégie indélicate de spécialisation du système éducatif vers la formation de chômeurs. La course vers le bas pourra enfin prendre fin. Le Togo pourra alors sortir la tête « hors de l’eau ».
Coordinateur international provisoireDr Yves Ekoué AMAÏZO | Responsable de la communicationFrançois FABREGAT |
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Notes:
- World Bank, World Development Indicators 2010, Washington D. C., pp. 36-37. ↩
- World Bank, op. cit. p. 64. ↩
- IMF, Regional Economic Outlook. SubSaharan Africa : Back to High Growth, April 2010, Washington D. C., p. 66. ↩
- Idem, p. 84. Les données sont de 2006. ↩
- Idem, p. 90. ↩
- Idem, p. 76. ↩
- Idem, p. 76. ↩
- Idem, p. 96. ↩
- Idem, 104. ↩
- Idem, p. 112 avec les données de 2007. ↩
- Idem, 112. ↩
- Idem, p. 116. ↩
- Idem, p. 118. ↩
- Idem, 342. ↩
- XINHUA, “Togo : 4,5 milliards de FCFA d’aide aux étudiants résidant au pays”, in Xinhua, lundi 4 octobre 2010voir http://big5.xinhuanet.com/gate/big5/french.news.cn/afrique/2010-10/04/c_13541751.htm accédé le 6 octobre 2010. ↩
- Zeus Aziadouvo, “La rentrée universitaire dans le désordre”, in Liberté Hebdo, voir http://www.libertetg.com/contenus.php?id_art=345&content=1&tabloo=une_princ, accédé le 6 octobre 2010. ↩
- Fabbi Kouassi, Intervention radiophonique « En direct de Lomé » sur la situation au Togo, in Radio KANAL K, Emission « Fenêtre sur l’Afrique », Samedi 25 septembre 2010, 20-21h, voir [intlink id=”2578″ type=”post”]https://cvu-togo-diaspora.org/2010/09/26/interview-radio-kanal-k-suisse-1/2632[/intlink], accédé le 6 octobre 2010. ↩
- Dépêche XINHUA http://french.news.cn/afrique/2010-09/18/c_13517802.htm accédé le 6 octobre 2010. ↩
- Kakla Dzaka, ” Rentrée scolaire 2010-2011: 2 millions 450 mille élèves togolais reprennent les cours aujourd’hui”, in MO5-TOGO, 13 septembre 2010, http://www.mo5-togo.com/actualites/1577-rentree-scolaire-2010-2011-2-millions-450-mille-eleves-togolais-reprennent-les-cours-aujourdui.html, accédé le 7 octobre 2010. ↩
- Xinhua, “Togo: un défi de capitalisation dans l’après-réduction de 90% de la dette extérieure”, in XINHUA, 4 octobre 2010, voir http://french.news.cn/afrique/2010-10/05/c_13542929.htm , accédé le 6 octobre 2010; Il s’agit de Marshall Mills, Chef division adjoint du Département Afrique au FMI. ↩
Tres bien says
Tres bien. Je vous encourage!