Vienne, le 4 mars 2013
Rodrigue Lawson, journaliste Pour « Legende FM » Lomé Togo Contact : + 228 92 44 79 23
Invité : Dr Yves Ekoué Amaïzo, Ph D, MBA, Coordonnateur Général du Collectif pour la Vérité des Urnes – Diaspora
1/- Comment avez-vous accueilli l’information suite à la vague d’incendie qui a consumé, entre autres, les grands marchés de Kara et de Lomé, sans compter quelques maisons dans les villes comme Aného, etc.
YEA : Je vous remercie pour l’invitation. Quand le poumon économique des populations du Togo qu’est le marché, que ce soit celui de Kara ou celui de Lomé, brûle, personne ne peut se réjouir, encore moins moi ou mes amis du Collectif pour la vérité des urnes dans la Diaspora togolaise. Avec un Gouvernement qui refuse de publier les résultats d’une enquête menée par une police scientifique française payée par le pouvoir et aux ordres du pouvoir, c’est que les conclusions réelles ne doivent pas plaire au pouvoir en place. Sinon, pourquoi la transparence ne peut pas jouer ? Pour le marché de Lomé, il faut s’étonner que le même pouvoir n’utilise plus la police scientifique de France, mais les services de celui-là même qui a été incapable d’assurer la sécurité et la protection civile des populations, je nomme, le Ministre de la Sécurité et de la protection civile, le Colonel Yark Damhane. Dans la plupart des pays démocratiques et pour sauver son honneur, ce ministre devrait présenter sa démission. Surtout que ce ministre-colonel, compromis dans des abus des droits humains et cité en tant que tel par les organisations-non-gouvernementales, a choisi d’accuser, en toute illégalité et avec des manières hors-la-loi, les principaux dirigeants des partis de l’alternance au Togo et de les mettre en prison.
2/- Le pouvoir et l’opposition parle d’incendies criminels. Selon vous à qui profite ce crime ?
Personne ne peut répondre à cette question sans une enquête sérieuse et indépendante du pouvoir. Mais ce n’est pas le cas. Donc ce que le pouvoir avance comme argument n’est pas crédible. Cela dit, vous avez raison de poser la question de savoir à qui profitent ces incendies criminels ?
- D’abord, pour les incendies de Kara, il n’est pas impossible que ce soit des bandes dissidentes au sein du pouvoir même qui aient témoigné d’un ras-le-bol et voulu démontrer de leur capacité de nuisance. Le Gouvernement refuse de publier les résultats non biaisés de l’enquête de la police scientifique française, engagée pour l’occasion et payée par le pouvoir de Faure Gnassingbé. Cela pose d’ailleurs le problème de savoir s’il s’agit de l’argent privé de Faure Gnassingbé ou de l’argent des contribuables togolais, sous forme d’impôts.
- Pour les incendies de Lomé, la négligence, le blocage des pompiers ghanéens à la frontière togolaise durant plusieurs heures par les douaniers togolais, alors que ces derniers venaient, à la demande du pouvoir en place, pour secourir les populations, montre qu’il y a des intérêts divergents et mêmes opposés au sein du pouvoir.
- Pour les autres incendies, ici et là, il s’agirait plus de règlements de compte entre ceux qui ont gravité ou gravitent encore autour du pouvoir.
Le résultat est que cela a permis de mettre en prison une partie de l’opposition togolaise et déstabiliser le processus de préparation des élections législatives prévues en fin mars 2013. Quand on sait que cette agitation permet d’occulter le vrai débat politique, notamment de ne pas commenter la mise en place d’un logiciel informatique susceptible de favoriser les fraudes électorales, on peut se demander si tout ceci ne profite pas à ceux qui souhaitent que la contrevérité des urnes triomphe encore au Togo lors des élections législatives, ce au profit des partis au pouvoir à savoir l’association RPT/UNIR/UFC et la partie non républicaine de l’armée togolaise, très versée dans les affaires.
3/- Les responsables du « Collectif Sauvons le Togo (CST) » sont traqués et arrêtés et inculpés dans cette affaire. Quel regard vous portez sur ces arrestations et quel impact économique la destruction des marchés peut avoir ?
C’est la gouvernance de la peur et de l’Etat de terreur. Comme cela, le pouvoir togolais peut expliquer à la communauté internationale que l’opposition est à la base de l’insécurité au Togo. Mais tout le monde sait que l’insécurité est souvent orchestrée pour faire disparaître l’opposition, ou tout au moins la neutraliser. Aussi, certains n’ont pas hésité à rappeler que la dictature d’Adolf Hitler a fait en son temps brûler le parlement allemand (Reichstag), et a accusé l’opposition et parfois ses propres partisans d’avoir effectué ces incendies criminels. Par la suite, Hitler les a éliminés les uns après les autres. Au Togo, on se contente des marchés en s’assurant que cela prive l’opposition des contributions volontaires que font les femmes commerçantes pour l’avènement de la démocratie et du changement au Togo. Alors au Togo, sans la pression des populations, la vigilance de la Diaspora togolaise et les pressions discrètes mais pas encore assez fortes de la communauté internationale, certains dirigeants ont été libérés. Mais ceux qui continuent à croupir en prison sans motif sont encore nombreux, ce qui est illégal au Togo. Donc il y a un abus de droit et un abus de pouvoir. Les tribunaux togolais sont impuissants face à un système qui copie les œuvres passées du dictateur allemand.
Sur la deuxième partie de votre question, les conséquences sont dramatiques pour les commerçantes du marché, pour les populations des zones rurales qui écoulaient leurs marchandises dans ce marché. C’est encore plus dramatique pour tous les opérateurs actifs dans le secteur informel et ils sont au bas mot, environ 40 % de la population sur Lomé et Kara. Il ne faut pas oublier les acteurs de la logistique, les taxis et autres transporteurs et enfin toutes les institutions de crédit, de la microfinance jusqu’aux banques, actives dans les activités d’intermédiations financières avec les acteurs de ces marchés. Les rentrées de l’Etat seront minorées mais l’Etat ne vit pas de l’impôt des petites gens mais se réserve les grands contrats dont l’opacité reste légendaire.
Ce qu’il faut retenir est qu’il y a eu défaillance de l’Etat togolais et d’un ministre en particulier. Ce dernier demeure IMPUNI.
Il faudrait rapidement mettre en place une structure publique-privée, des financements de contreparties et des délais de grâce pour permettre à l’activité de reprendre. Mais au plan juridique, il faut empêcher les huissiers de venir saisir les biens des acteurs du marché, qui pour certains ont mis leur maison en hypothèque… D’ailleurs, on a eu l’information que plusieurs des femmes commerçantes ont eu une crise cardiaque ou des malaises justement parce que les usuriers leurs ont annoncé que leur maison allait être vendue, suite à la réalisation de l’hypothèque. Donc ne peut exclure que ceux qui financent les acteurs du marché puissent aussi avoir un intérêt à un non-remboursement des crédits engagés afin de réaliser les hypothèques… Bref, il faut une enquête sérieuse pour apporter les preuves nécessaires en commençant par celles des femmes qui ont le plus perdu dans ces incendies criminelles.
4/- Le dialogue inclusif et sincère tarde toujours à être effectif alors que les élections s’annoncent. Beaucoup parlent de mauvaise foi du pouvoir. Est-ce que vous êtes de cet avis ?
C’est le gouvernement de Faure Gnassingbé qui a unilatéralement annoncé les dates des élections législatives. La plupart des acteurs politiques du changement ne sont pas d’accord avec la date, ni les préparatifs, encore moins sur les conditions de cette élection, sauf Gilchrist Olympio et l’Union des Forces du Changement.
Au niveau du Collectif pour la Vérité des Urnes – Diaspora, nous ne parlons plus de dialogues, car il s’agit de monologues du gouvernement et c’est le énième dialogue qui se terminera comme le souhaite le Gouvernement, si des médiateurs internationaux neutres et sans antécédents coloniaux, ne sont pas nommés et acceptés par les deux grandes familles politiques du Togo à savoir : d’un côté la mouvance politique au pouvoir (RPT/UNIR/UFC) et de l’autre, l’ensemble des acteurs du changement avec les différentes composantes de l’alternance : CST/FRAC/ANC/ARC).
On ne juge de la mauvaise foi qu’après coup. Donc, le problème n’est pas de juger mais de poser les conditions permettant une CONCERTATION sérieuse, transparente et sans coercition pour dresser les étapes par lesquelles doivent passer les acteurs politiques pour que la Vérité des Urnes devienne réalité au Togo. Comme Faure Gnassingbé ne connaît que Sa Vérité des urnes, il faut croire que les règles du jeu sont pipées. D’ailleurs, le vrai faux pré-dialogue qu’a présidé Monseigneur Barrigah s’est soldé par un échec. On n’a toujours pas l’agenda, ni même la liste des acteurs alors que des membres de l’opposition sont en prison et qu’ils doivent participer aussi à ce dialogue. Au demeurant, le Pape Benoît XVI a démissionné. Je pense que certains ecclésiastiques togolais devraient s’assurer une place au paradis en se rappelant de l’importance de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, en « rendant à César, ce qui est à César, et à Dieu, ce qui est à Dieu ». Chacun aura compris qui est César au Togo…
Enfin, la tournée européenne du Premier Ministre Zunu fut un échec lamentable. Les partis socialistes allemands et français ont bien compris la supercherie électorale qui se joue au Togo. Les dirigeants français, belges, allemands aussi ! C’est ainsi que l’Union européenne ne souhaite plus financer les élections législatives du 24 mars 2013 et exige la tenue d’un dialogue sincère. Faure Gnassingbé risque de passer en force en organisant ces élections dans les conditions les plus troubles et de se retrouver pour la première fois avec une Union européenne en phase pour rejeter les résultats des élections, issus d’une fraude électronique de grande envergure. Car chacun sait que le logiciel électoral qui permet la contrevérité des urnes a été testé en grandeur nature par deux fois déjà, et il y a eu des ratés… Comme les manifestations ne vont pas s’arrêter, il n’est pas impossible que ceux qui ont brûlé le marché de Kara se décident à s’en prendre au pouvoir lui-même au lieu de s’attaquer aux populations sans défense.
Alors, mauvaise foi ? Non, Simple préparation d’une escroquerie électorale informatisée, ceci sans les 2 millions de Togolais et Togolaises de la Diaspora que le pouvoir de Faure Gnassingbé refuse de recenser ! Cela s’appelle l’organisation de la Contre-Vérité des Urnes.
Je vous remercie. YEA.