La consommation de gaz de la planète monte en flèche du fait de la préférence de plus en plus marquée pour l’énergie « propre ». Le Mozambique, du fait de la découverte d’un important gisement de gaz, sinon un des plus grands d’Afrique, pourrait fournir, dans un avenir proche, du gaz à un prix très compétitif.
1. MONTER DES PROJETS GAZIERS SANS LES POPULATIONS AUTOCHTONES
Le Mozambique devrait pouvoir produire près de 6 % du gaz naturel liquéfié sur le plan mondial d’ici 2027, et si le projet connaît des extensions, d’ici 2030, le Mozambique pourrait devenir en 2030 le 5e producteur de GNL dans le monde derrière les Etats-Unis, le Qatar, l’Australie et la Russie.
Le projet de gaz naturel liquéfié est estimé à plus de 25 milliards de dollars des Etats-Unis ($EU) a démarré au Mozambique. Des multinationales pétrolières comme l’américain EXXON-MOBIL, l’italien ENI ou le français TOTAL, mais d’autres intérêts d’Afrique du Sud sont des potentiels investisseurs et opérateurs.
Le Mozambique rencontre pourtant des retards dans la mise en œuvre de son objectif principal consistant à devenir dans les 5 à 7 ans, un géant de la fourniture de gaz naturel liquéfié[1]. En effet, à la suite à des déplacements-expulsion des populations de leurs terres ancestrales et un refus d’inclusivité des populations déplacées sans consultation pour réaliser ce gigantesque investissement gazier, le gouvernement mozambicain se retrouve au carrefour de groupes mafieux, terroristes sans compter les spécialistes du sabotage pour contrecarrer les multitudes de projets stratégiques autour du gaz. Pourtant, le Gouvernement ainsi que les investisseurs, tous officiellement, ont pour objectif, de permettre l’améliorer substantiellement les finances publiques de ce pays classé parmi les pays pauvres, à revenu faible.
La réalité est que les journalistes indépendants, les organisations non gouvernementales indépendantes se voient couper l’accès à la région par des « sociétés privées de sécurité »[2]. Cela résulte en une parcellisation de l’information, qui relève parfois de la simple désinformation, ou plus tôt, de l’absence d’information pendant que des violations des droits humains sont en cours.
En retour, cela devrait générer de nombreuses infrastructures et une amélioration du pouvoir d’achat au profit des populations. Mais ce n’est pas tout le monde qui croit aux promesses de l’Etat, ni à celui des investisseurs.
2. PARTICIPATION DES POPULATIONS SPOLIEES AU CAPITAL DES ENTREPRISES DES « INVESTISSEURS »
Toutefois, tout ceci s’inscrit dans le contexte de la pandémie du coronavirus COVID-19 avec des statistiques effectives qui font défaut.
L’Etat mozambicain peut surmonter la double crise sanitaire et d’insécurité car le retard d’au moins deux ans qui seront liés aux attaques terroristes devrait retarder l’exécution d’une stratégie gazière sans véritable plan B. Les pertes occasionnées actuellement devront être compensées si le Gouvernement accepte d’élargir les parties prenantes comme bénéficiaires effectifs du retour sur investissement attendu par les investisseurs.
Bref, il est temps que les dirigeants africains en général, mozambicain en particulier sans oublier ceux du Zimbabwe ou de l’Afrique du Sud, comprennent que la participation au capital des populations spoliées est une obligation morale, éthique qui a besoin de l’intervention de l’Etat pour que cette obligation devienne obligatoire et légale. Mais qui se soucie des « en-bas-d’en-bas » au Mozambique comme dans la plupart des pays africains ?
Plus de trois (3) milliards de dollars des Etats-Unis par an de recettes fiscales sont à attendre de « Giga » projet gazier au Mozambique, une fois le projet terminé et opérationnel. Il s’agit tout simplement du doublement du budget actuel de l’Etat, une véritable marge économique sur au moins 10 à 15 ans. Donc, tous espèrent des investissements de bien-être dans tous les secteurs avec comme conséquence, la création d’emplois décents pour les populations locales avec une mise à niveau en termes de formation et diversification économique.
3. IMPACTS ECONOMIQUES DES ATTAQUES TERRORISTES SUR LE MOZAMBIQUE
Le Mozambique fait partie des sept pays africains avec la plus forte augmentation d’attentats terroristes. Le gouvernement du Mozambique a fourni des preuves d’une gouvernance socio-économique marginalisant une grande partie de la population. Ce constat peut à lui seul, servir de fondement pour expliquer les causes profondes de l’irruption de l’extrémisme à Cabo Delgado (partie nord du pays), ce d’autant que cette partie du pays est dramatiquement marginalisée.
La croissance du produit intérieur brut par habitant, c’est-à-dire la croissance de la richesse par habitant, est négative au Mozambique à partir de 2019 (–0,4%), 2020 (–3,1%), avec des estimations moroses pour 2021, avec –0,6%[3]. Avec l’augmentation du coût lié au terrorisme et des coûts de la sécurité supplémentaire qu’elle engendre, il faut bien constater que la croissance de richesse attendue ne s’améliorera pas en 2021/2022 avec une croissance négative : autour de -2 et -3 %.
La croissance du PIB réel en 2019 était de 2,3%, négative en 2020 avec –0,5, et devrait atteindre 2,1% en 2021 selon les estimations d’avril 2021 du Fond monétaire international (FMI[4]). Mais, la réalité pourrait se situer autour de 0% du fait des importants retards dans la finalisation de la construction et de l’exploitation des immenses réserves de gaz naturel liquéfié de Cabo Delgado. En effet, de nombreux potentiels investisseurs sont en train de « plier bagages » et annonce la suspension de leurs activités[5] et le rapatriement de leur personnel[6] ».
Les entreprises multinationales de l’énergie sont, paradoxalement et principalement, les premiers responsables de la violence croissante et du terrorisme ciblé dans ce pays. L’approche globale des entreprises multinationales, et le chantage fait sur l’Etat, fait que l’ensemble des « décideurs » dans ces projets de type « partenariat public-privé (PPP) ne prend pas en compte les toutes les parties prenantes notamment les populations autochtones ou spoliées de leur terre et de leur droit.
Considérer exclusivement le retour sur investissement des actionnaires, sans oublier la corruption d’usage conduit à marginaliser un nombre très important de la population locale, et incapable de protéger sa terre. L’Etat mozambicain ne semble pas voler à leur secours.
4. MEGA PROJET GAZIER : VAINCRE LA PAUVRETE OU VAINCRE LE « PAUVRE » ?
Pourtant, la revendication et l’affichage médiatique du gouvernement mozambicain repose sur sa volonté de « vaincre la pauvreté » avec le Méga Gas Project. Mais tout ceci sonne de plus en plus creux pour une grande majorité de jeunes, « socialement marginalisés », sans éducation formelle, ni d’emplois, encore moins de revenus. Beaucoup d’entre eux sont de l’ethnie Mwani, mais sont souvent mélangés avec de jeunes migrants provenant de pays voisins comme la Tanzanie, la Somalie et la région des Grands Lacs. Ces désœuvrés sont alors des proies facilement « récupérables » pour mener une lutte pour leur « existence », donc leur vie.
La naissance d’al-Sunnah (Ahlu Sunnah Wa-Jamâ – souvent abrégée en Al-Sunnah) dans la partie nord du Mozambique, plus spécifiquement dans la région de Cabo Delgado remonte à 2013 ou début 2014 sans interactions manifestes ou corrélations évidentes avec les organisations étrangères prônant le terrorisme fondé sur un Jihad souvent dévoyé. Mais à partir de 2017, le lien avec les groupes ou mouvements djihadistes internationaux a été manifestes. Des actions, des coopérations, un lavage de cerveau considéré comme de la formation et des apprentissages complémentaires ont été engagés. La stratégie de ces groupes, ciblant de plus en plus leurs « ennemis » est basée sur la fragmentation des États, en particulier lorsque l’État africain n’a aucune fonction de protection, voire de sécurité pour la population. En l’espèce, c’est le sentiment d’abandon et de spoliation qui prévaut.
Le continent africain est devenu un foyer de croissance et d’activités croissantes du terrorisme et dérivées. Y-a-t-il une coïncidence entre l’expansion des attaques terroristes et l’attribution d’un contrat de 750 millions de dollars pour la protection des gisements de gaz à une société privée de sécurité et militaire américaine dont le PDG serait Erik Prince en charge de la sécurisation du consortium Gaz. Cette société aurait des liens avec les services de renseignements du gouvernement mozambicain.
Plus globalement, s’agit-il simplement d’un nouveau partenariat entre des terroristes locaux et d’autres mouvements ou groupes djihadistes extrémistes établis tels qu’Al Qaïda, l’État islamique d’Irak et de Syrie (ISIS), Al-Shabaab, Boko Aram, etc. ? La réponse risque d’évoluer vers l’affirmative. De fait, comme les « actes » de terrorisme contre les populations font perdre en crédibilité aux tenants du terrorisme de l’islamisme radical, les terroristes d’Al-Sunnah, prenant en compte les expériences passées et ailleurs, semblent cibler ce qui pourrait leur permettre de « redorer » leur image vis-à-vis de la population locale. Il leur suffit de clamer que le gouvernement et les entreprises multinationales prônent l’éradication des pauvres, et non l’éradication de la pauvreté. Cette forme fait « mouche » … et le recrutement des jeunes désœuvrés et leur responsabilisation conduit à des collusions d’intérêts conjoncturels aux dépens de l’Etat et les investisseurs choisis.
5. RADICALISATION DU FAIT DE L’EXCLUSION DES ESPACES POLITIQUE, ÉCONOMIQUE, SOCIAL CULTUREL ET ENVIRONNEMENTAL.
Les terroristes locaux Al-Sunnah sévissait auparavant dans le nord du Mozambique, se s’affichent, de plus en plus, comme des islamistes extrémistes, avec des nouveaux liens de coopération avec des djihadistes étrangers, intéressés à « exporter et affiner » leur « savoir-faire » macabre, sous le couvert de la déstabilisation de potentiels investisseurs.
Le problème est que ces nouvelles coalitions du terrorisme, ciblent de plus en plus les « infrastructures » des potentiels investisseurs ou de l’Etat. L’objectif est de créer le même climat de « terreur » et de « peur » que ces mêmes potentiels investisseurs occasionnent dans les rangs des populations spoliées par les décisions d’expulsion de leur terre ancestrale par l’Etat, devenus de fait tous deux (Etat et investisseurs) des cibles et des complices du malheur des populations, au moins dans le court terme et selon les perceptions locales.
Les partisans du groupe terroriste Al-Sunnah ont en fait été graduellement radicalisés. Mais la dégradation des conditions économiques, sociales, environnementales et la marginalisation de l’espace public de la politique dont de ce groupe de plus en plus « assisté » sur le plan global, de véritables agents déstabilisateurs.
L’urgence est d’organiser l’inclusivité politique et l’inclusivité au niveau de la participation au capital par la gratuité des actions accordées par les entreprises des potentiels investisseurs aux populations spoliées.
Laisser pourrir la situation ne relève pas de la « bonne gouvernance », ni même du bon sens !
30 avril 2021
Directeur Afrocentricity Think Tank.
© Afrocentricity Think Tank.
Notes :
- APA (2021). « Mozambique : la menace jihadiste plombe l’économie ». in apanews.net. 16 avril 2021. Accédé le 17 avril 2021. Voir http://apanews.net/fr/news/mozambique-la-menace-jihadiste-plombe-leconomie ↑
- Collen, V. (2021). « Sous la menace djihadiste, Total gèle son énorme projet gazier au Mozambique ». In Lesechos.fr. 26 avril 2021. Accédé le 29 avril 2021. Voir https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/sous-la-menace-des-jihadistes-total-suspend-son-projet-gazier-au-mozambique-1309931 ↑
- IMF (2021). Regional Economic Outlook. Sub-Saharan Africa. April 2021. The International Monetary Fund: Washington D.C. ↑
- IMF (2021). Op. Cit. ↑
- Africa24 TV (2021). « Mozambique, 1100 entreprises fermées en raison de l’insécurité ». In Africa24TV etyoutube.com. 20 avril 2021. Accédé le 23 avril 2021. Voir https://www.youtube.com/watch?v=PWiBphtwaPA ↑
- Collen, V. (2021). Op. Cit. ↑