Me Isabelle Améganvi parle des coups bas de Gilchrist, de la hausse des prix du carburant et de la situation des droits de l’Homme au Togo
Dans cette interview qu’elle vient d’accorder à votre journal, la 3ème Vice-présidente de l’UFC et députée à l’Assemblée nationale, Me Isabelle Manavi Djigbodi Améganvi, aborde les plans de Gilchrist Olympio pour détruire l’UFC et les circonstances dans lesquelles les AGO sont entrés au gouvernement. Elle s’intéresse aussi aux problèmes de l’heure comme la hausse des prix des produits pétroliers, la dissolution d’OBUTS et la dégradation de la situation des droits de l’Homme au Togo. Lecture.
Devons-nous dire Madame la Vice-présidente de l’UFC ou tout simplement Honorable députée, puisque vous ne faites pas partie du Bureau national recomposé par M. Gilchrist Olympio ?
L’UFC n’a pas de Bureau national autre que celui issu du 2ème Congrès ordinaire des 18 et 19 Juillet 2008. Je suis élue 3ème Vice-présidente par ce Congrès et je le demeure.
Voyez-vous, en dehors du Congrès qui seul en a le pouvoir, nul ne peut recomposer le Bureau national fût-il Président national. De surcroît, M. Gilchrist Olympio fait l’objet d’une exclusion temporaire et n’est plus habilité à parler ni agir au nom du parti.
Comment expliquez-vous cette sortie de Gilchrist Olympio qui continue d’agir en tant que Président du parti, bien qu’il soit temporairement suspendu ?
Je crois que M. Gilchrist Olympio méconnaît profondément les textes fondamentaux de l’UFC qu’il a pourtant présidée pendant plusieurs années. Il n’a aucune considération pour les structures du parti. Il méprise souverainement les responsables et les militants qu’il considère comme des employés à sa dévotion et prend le parti pour sa propriété privée. C’est pour toutes ces raisons que M. Gilchrist Olympio se refuse à prendre la juste mesure de la gravité des actes qu’il a posés et qui ont conduit à son exclusion temporaire du parti. Il s’entête à vouloir entraîner tout le parti dans une voie sans issue.
Fort heureusement, sous la direction vigilante des responsables qui, chacun en ce qui le concerne, ont tout donné, y compris leur âme pour que l’UFC soit, le Bureau national, instance dirigeante du parti entre deux congrès a su rester fidèle aux orientations du parti et a pris ses responsabilités dans l’intérêt des populations togolaises.
Comprenez-vous pourquoi il a envoyé au ministère de l’Administration territoriale une copie de la lettre circulaire recomposant le Bureau ?
Il est évident que dans la logique qui est aujourd’hui la sienne d’en découdre avec le Bureau national du parti qui a osé, crime de lèse-majesté, positionner un candidat de dernière minute à l’élection présidentielle de 2010 suite à son accident aux USA, M. Gilchrist Olympio, animé d’une haine inexplicable, croit pouvoir compter sur l’onction du RPT, son nouvel allié pour mener à terme son entreprise de déstabilisation de l’UFC.
Pensez-vous que M. Gilchrist Olympio agit de son propre chef ou qu’il est sous l’influence de certaines personnes tapies dans l’ombre ?
M. Gilchrist Olympio n’a jamais accepté la désignation par le Bureau national d’un candidat autre que lui à l’élection présidentielle de 2010. Il a entrepris d’en finir avec tous les acteurs de la candidature de M. Jean-Pierre Fabre. Naturellement, pour l’aider dans sa funeste besogne, il trouve au sein du parti quelques soutiens à travers une poignée de militants et autres responsables fatigués de la durée de la lutte démocratique et pressés de partager avec le RPT sur le dos des pauvres populations le « gâteau togolais ». Il en est de même de certains militants de dernière heure ayant raté leur carrière professionnelle qui, après avoir fait quelques brèves ballades dans des partis politiques togolais qu’il soit de la majorité ou de l’opposition, pensent pouvoir trouver par le biais de l’UFC la voie idoine qui peut leur offrir les subsides de leur retraite politique.
Personne ne pouvant valablement être influencé contre son gré, j’estime que M. Gilchrist Olympio agit délibérément en toute connaissance de cause et qu’il trouve plutôt dans les personnes que vous estimez « tapies dans l’ombre », des alliées pouvant servir sa cause. Je vous assure que c’est plutôt lui qui mène la danse et manipule au gré de son humeur.
Certains de vos collègues estiment que M. Gilchrist Olympio est dans une logique de destruction de l’UFC. Vous partagez donc cette opinion ?
C’est bien triste à dire, mais je crois que c’est l’opinion la mieux partagée aujourd’hui, même par nos adversaires politiques !
Aujourd’hui, les Togolais ne reconnaissent plus leur « opposant historique » comme on le dit. Selon vous, qu’est-ce qui a été déterminant dans son revirement spectaculaire ? Que répondez-vous à ceux qui estiment qu’il est « acheté » par le RPT pour pérenniser le système ?
Il est regrettable qu’un opposant de la trempe de M. Gilchrist Olympio ait choisi de tourner le dos à tous les combattants de la liberté, après tant d’années de lutte et de sacrifices. Le fait qu’il soit aujourd’hui comptable avec le RPT de mesures gouvernementales impopulaires, d’arrestations arbitraires, d’exécutions sommaires et de répressions sanglantes des manifestations de citoyens affamés et en détresse dépasse l’entendement.
C’est le caractère injustifié et inexplicable de son comportement qui, à mon avis, amène certaines personnes à justifier, à tort, ses actes par le fait « que M. Gilchrist Olympio est acheté ». Je crois sincèrement que nos compatriotes doivent cesser de trouver des excuses et des justifications tous azimuts aux actes que pose M. Olympio. Il n’y a logiquement rien à comprendre, rien à justifier, encore moins rien à excuser dans ses actes.
Maintenant, que M. Gilchrist Olympio soit véritablement acheté ou vendu, je ne veux absolument rien savoir. Lui seul pourra vous répondre si vous prenez la peine de lui poser la question.
Nous allons à présent aborder l’entrée de certains militants de l’UFC au gouvernement. Est-ce qu’il y avait eu des discussions préalables et sincères à ce propos ?
Je dois d’abord dire que depuis la création de l’UFC, on peut compter sur les doigts de la main, le nombre de fois que M. Gilchrist Olympio a présidé les réunions du Bureau national alors que ces réunions se tiennent sur une base hebdomadaire, tous les lundi. Depuis le 2ème Congrès ordinaire des 18 et 19 Juillet 2008 qui l’a reconduit comme Président national et désigné comme candidat du parti à l’élection présidentielle de 2010, M. Gilchrist Olympio n’a présidé que trois réunions du Bureau national.
C’est au cours des deux dernières réunions du Bureau national qu’il a présidées les 10 et 17 Mai 2010, que M. Olympio a informé le parti des démarches « exploratoires » qu’il avait entreprises suite à une invitation de M. Houngbo à prendre part au gouvernement. Devant la réprobation générale des membres du Bureau national, M. Olympio a fait savoir qu’il ne pensait pas que cette démarche pouvait aboutir, d’autant plus que le RPT n’acceptera pas ses propositions. M. Olympio a précisé qu’en tout état de cause, cette démarche n’engage pas le parti et que si des discussions formelles devraient être menées avec le RPT, ce serait avec l’aval du Bureau national qui devrait d’abord en décider et approuver la composition de la délégation de l’UFC. Or, le jeudi 27 Mai 2010, sans plus en référer au Bureau national, M. Gilchrist Olympio annonce, non pas au siège du parti mais dans le salon de son père défunt, de regrettée mémoire, qu’il a signé la veille un « accord historique » avec le RPT. Le lendemain 28 Mai, il entrait au gouvernement de M. Houngbo avec sept portefeuilles ministériels nonobstant la position clairement exprimée à maintes reprises par le parti, de ne pas prendre part à ce gouvernement, ne laissant aucun choix au Bureau national que de constater sa forfaiture et de le suspendre de la direction du parti.
M. Gilchrist Olympio et ses amis affirment qu’ils ont le soutien de toutes les fédérations pour cette démarche. Vous infirmez ?
Naturellement ! M. Gilchrist Olympio et ses amis tentent, avec des méthodes que nous avons toujours combattues à l’UFC, d’abuser des fédérations par la désinformation, l’intoxication, la manipulation et l’escroquerie politique. Ils vont même jusqu’à faire des promesses de nominations à divers postes. Il est vrai que des membres de certains bureaux fédéraux se sont laissé abuser mais la quasi-totalité des fédérations demeure fidèle à la ligne du parti incarnée par le bureau national.
Actualité oblige, quelle est votre réaction par rapport aux problèmes de hausse des prix des produits pétroliers et d’inondations ?
La hausse des prix des produits pétroliers ? Une décision incongrue par l’ampleur de la hausse (15 à 22%) et forcément impopulaire parce que en déphasage total avec la situation actuelle des populations togolaises qui vivent au quotidien, la misère, la pauvreté et la précarité. Lorsque vous ajoutez à tout cela les inondations saisonnières qui frappent les populations, avec leur cortège de dégâts matériels et de pertes en vies humaines, vous réunissez tous les ingrédients d’une révolte populaire spontanée. C’est ce que notre pays connaît en ce moment.
Je voudrais ici déplorer et condamner la répression sanglante des manifestations de colère d’une population en détresse par les forces armées et de sécurité qui, en raison de la culture de l’impunité, n’ont pas hésité à tirer à balles réelles sur des manifestants.
C’est le lieu de renouveler au nom de l’UFC, nos condoléances aux familles endeuillées et nos souhaits de prompt rétablissement aux blessés. Nous exigeons que les manifestants arrêtés soient libérés sans condition et que les coupables des tueries soient recherchés et traduits devant les tribunaux.
Jeudi 24 juin dernier, certains ministres étaient devant vous à l’Assemblée nationale. Est-ce que vous avez été convaincus par leurs explications ?
Bien sûr que non !Les vaines explications données par les ministres en charge des dossiers brûlants de l’actualité dans notre pays ne sauraient convaincre la plus complaisante bonne volonté ! Je veux dire par là que même les députés RPT sont restés circonspects devant cet étalage de contrevérités, de langue de bois et de vaines promesses jamais tenues et reconduites d’années en années !
En tant que défenseur des droits de l’Homme, vous êtes sûrement touchée par la dégradation des droits de l’Homme au Togo ?
En effet. Je suis tout aussi inquiète que les organisations de défense des droits de l’Homme soient contraintes de monter constamment au créneau en ce moment pour dénoncer la recrudescence des violations des droits et libertés publiques par le régime RPT- AGO. Toutes les institutions de la République sont mises sous coupe réglée pour servir rien que les intérêts du pouvoir au détriment des intérêts des populations qui sont opprimées, exploitées, humiliées, martyrisées ….
Quelle lecture faites-vous de la dissolution de l’OBUTS d’Agbéyomé Kodjo ?
Un déni de justice, une violation flagrante et scandaleuse des droits et libertés, du libre exercice des activités des partis politiques. Tous les partis politiques, y compris le RPT, se doivent de dénoncer et de condamner cette dérive totalitaire.
On peut dire qu’après l’OBUTS, c’est le tour de l’UFC puisque le cabinet de Gilchrist Olympio parle « d’un procès inéluctable qui s’impose de plus en plus, jour après jour, comme le procès de la clarification juridique »…
On peut comprendre que fort du soutien du RPT, M. Olympio soit tenté de s’appuyer sur une justice aux ordres pour régler des comptes et parachever ainsi son œuvre de destruction de l’UFC. Je pense que sauf à recourir à l’arbitraire et à l’injustice, il n’y a pas de « clarification juridique » qui vaille. Il s’agit plutôt d’une clarification politique qui s’impose à travers un congrès et seul un congrès permettra à chacun de se déterminer soit par rapport à des idées et à des principes politiques, soit par rapport à un homme de surcroît en perdition !
Après la 15ème marche du FRAC, y a-t-il de l’espoir pour le changement tant souhaité ?
La lutte populaire est invincible. L’espoir pour l’alternance et le changement est dans la mobilisation et dans la détermination des populations. L’espoir pour l’alternance et le changement est dans les actions que mène le FRAC.
La lutte que nous menons est juste et légitime. Je reste convaincue qu’elle mettra les vrais protagonistes de la crise postélectorale face à leurs responsabilités pour répondre aux attentes du peuple togolais meurtri.
Propos recueillis par Zeus Aziadouvo
LIBERTE HEBDO TOGO