Achat de 5 hélicoptères Gazelle par le Togo:
Que comprendre dans l’opposition de Jean Yves Le Drian?
Invité :
M. François Fabregat, Directeur de communication du CVU Togo Diaspora, Collectif pour la Vérité des Urnes, depuis la France.
Réformes politiques au Togo : Jean-Pierre Fabre appelle le peuple à prendre ses responsabilités.
Probable désignation de Faure Gnassingbé à la tête de la CEDEAO:
L’ANC interpelle la CEDEAO.
Invité :
M. Jean-Pierre Fabre, Président de l’ANC, Alliance Nationale pour le Changement au micro de notre correspondant au Togo Rodrigue Ahego.
Refondation de la république autour d’un projet de fédéralisme
Invité :
Dr Ekoué Foly Gada, Historien, Politologue, Coordinateur du Mouvement Panafricain ALAGA, en ligne depuis l’Italie.
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Interview François Fabregat Samedi 3 juin 2017
Bonjour Sylvain,
Bonjour à tous les auditeurs du Togo et de la diaspora à travers le monde
1- Comment interprétez-vous ce blocage d’achat d’hélicoptères par Jean-Yves Le Drian?
Ecoutez Sylvain il y a à ce sujet beaucoup de commentaires contradictoires. Il convient de revenir à la genèse de l’affaire c’est le 21 avril soit trois jours avant que ne se déroule le premier tour de l’élection présidentielle, que la France, via le ministre des Affaires Etrangères de l’époque Jean-Marc Ayrault, [le premier Premier Ministre de François Hollande ndlr] aurait bloqué cette transaction.
Mais il faut savoir que si Ayrault avait bloqué la transaction Jean-Yves Le Drian, en tant que Ministre de la défense l’avait autorisée.
Ceci en vertu de l’accord bilatéral intergouvernemental intitulé « Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République togolaise instituant un partenariat de défense », signé le 13 mars 2009 par l’ambassadeur de France au Togo de l’époque M. Dominique Renaux.
Il faut bien voir que l’on n’achète pas ce genre de matériel comme l’on va acheter un paquet de café à l’épicerie du coin.
Mais il est peut-être utile aux auditeurs pour mieux comprendre les enjeux de situer le contexte dans lequel ce petit soubresaut intervient.
Que Le Drian ait donné son feu vert n’est pas étonnant. Rappelons pour mémoire que Le Drian fut le ministre de la défense sans interruption du premier au dernier jour du quinquennat de François Hollande. C’est justement sous le quinquennat de François Hollande que les ventes d’armes ont explosé pour atteindre le chiffre vertigineux de 80 milliards d’Euros. Entre les avions Rafale, les sous-marins nucléaires, les navires, les patrouilleurs, les hélicoptères et les matériels divers, l’industrie française de l’armement a trouvé en Le Drian un VRP de luxe puisque c’est sous son ministère que l’industrie de l’armement connait un véritable essor.
En revanche Le Drian n’est guère regardant sur les vertus démocratiques des régimes avec lesquels il fait des affaires. C’est en Egypte et au Qatar (à hauteur de 24 pour chaque pays) qu’il vend les premiers avions Rafale de Dassault, avant de séduire l’Inde qui en a commandé 36.
En bref, depuis 2012, les ventes d’armes ont doublé chaque année et cette industrie emploie en France 165 000 salariés. Jean-Yves Le Drian aimait à rappeler que 1 € investi dans la défense représente une retombée de 2 voire 3 € dans le civil.
Selon le rapport annuel de l’Institut de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), en 2015, la France est passée de la 5e à la 4e place des pays exportateurs d’armes, derrière les Etats-Unis, la Russie et la Chine et juste devant l’Allemagne et le Royaume-Uni. En réalisant 5,6 % des ventes d’armes du monde, la France reste loin derrière les Etats-Unis (33 %).
La question n’est donc pas de savoir selon la question que se pose l’un de nos confrères si « L’achat d’hélicoptères du Togo auprès de la France sera effectif ? » mais plutôt quand ils seront livrés ?
2- Peut-on considérer qu’il s’agit d’un coup de pattes de François Hollande à Faure Gnassingbé comme signe d’adieux ?
Ecoutez la question d’une sorte de coup de pied de l’âne à Faure Gnassingbé de la part de François Hollande parait peu probable. Il est en effet difficile de distinguer quel motif précis aurait eu F. Hollande pour refuser la livraison des hélicoptères à Lomé. Ceci dans la mesure où durant tout son quinquennat F. Hollande, l’Africain et le va-t’en-guerre, qui a engagé la France sur de nombreux théâtres d’opérations militaires [souvent unilatéralement, sans mandat de l’ONU et sans débat parlementaire comme l’exige la constitution de la France NDLR], a obtenu tout ce qu’il voulait de Faure Gnassingbé en matière de sécurité, notamment le maintien permanent au Mali, du plus important, à défaut de l’un des plus importants, parmi les contingents militaires envoyés par divers pays d’Afrique.
Par ailleurs quand on sait aujourd’hui que Hollande a voté E. Macron au premier tour de la présidentielle, trahissant ainsi le candidat du Parti Socialiste, parti qui lui avait permis d’accéder au pouvoir en 2012, et que la passation de pouvoir entre Hollande et Macron fut la plus longue de toute la V° République depuis 1958, ce n’est pas malignité que de souligner que ces deux-là avaient sans doute beaucoup de choses à se dire et surtout à partager, pour assurer dans les meilleures conditions la continuité d’une politique très largement contestée par l’immense majorité des français, soit par opposition soit par indifférence si l’on en croit les sondages traitant du projet politique porté par E. Macron.
Nous avons vu de quelle manière E Macron s’est glissé dans le costume présidentiel de Hollande. Si l’on excepte le voyage à Berlin, dès le lendemain de l’investiture, pour faire acte d’allégeance à A. Merkel, qui est devenu l’exercice obligé de tous les présidents libéraux de puis Sarkozy, le premier voyage de Macron fut de se rendre sur le théâtre d’opérations militaires au Mali pour y visiter la force Barkhane.
Si cet acte ne constitue pas un signal majeur adressé aux africains de la continuité de la politique africaine de F. Hollande par E. Macron que pourrait-il signifier d’autre ?
Ainsi Il n’a échappé à personne que si J-M Ayrault a quitté le gouvernement, J-Y Le Drian est lui resté dans le premier gouvernement nommé par le nouveau président E. Macron. Il a seulement en quittant la Défense changé d’attributions, pour devenir Ministre des Affaires étrangères.
Donc il occupe désormais les fonctions qui lui permettent de donner l’ultime feu vert à cette vente qu’aurait refusée Ayrault ! Il y a donc tout lieu de croire que les hélicoptères d’attaque arriveront bien à Lomé, directement ou indirectement, peu importe !
3- Quel message véhicule selon vous, la position de Jean-Yves Le Drian par rapport à la commande d’hélicoptères par les autorités togolaises? A noter que ce dernier arguait que l’État Togolais pourrait utiliser ces hélicoptères pour réprimer sa propre population.
Ecoutez Sylvain, je crois qu’il faut savoir interpréter la langue de bois dans le langage diplomatique de Jean-Marc Ayrault selon les déclarations qui lui sont attribuées. Pour que ces hélicoptères servent à réprimer la population, il faudrait que le niveau de contestation au Togo ait atteint un tel degré d’intensité que le pouvoir décide de recourir à du matériel lourd. Force est de constater de ce point de vue que nous sommes loin du compte au Togo et que jusqu’à présent aucune rébellion armée ne s’est levée contre Faure Gnassingbé et l’oligarchie qui le soutient. Et la réalité de la situation au Togo la France de le Drian et d’Ayrault, à qui rien n’échappe, le sait très bien.
D’ailleurs quand Ayrault argue de cette nouvelle capacité répressive offerte aux autorités togolaises, il se garde bien de faire référence à l’attitude récurrente du pouvoir de Faure Gnassingbé et des forces de l’ordre togolaises, attitude qui consiste à chicoter, à gazer, à emprisonner abusivement tant l’opposition politique que toutes les forces de contestation, mouvements étudiants, de la société civile ou sociaux de tous ordres, que de père en fils le pouvoir togolais ne ménage pas. Pouvoir qui n’a jamais utilisé jusqu’à présent les hélicoptères pour tirer sur les manifestants.
Ainsi le ministre français J-M Ayrault se référait à deux utilisations d’hélicoptères de fabrication française pour réprimer des opposants dans deux pays du « pré-carré » francophone d’Afrique : à Douala (Cameroun) en février 2008, lors de la répression des « émeutes de la faim » (139 morts selon la société civile, 40 selon les autorités camerounaises) ; et plus récemment au Gabon à Libreville le 31 août 2016, lors de l’attaque du QG de campagne de Jean Ping (2 morts selon le camp de l’opposant gabonais).
La fausse pudeur J-M Ayrault à l’égard des togolais prêterait à sourire dans le contexte actuel, tant est pesante l’indifférence de la France à l’égard des citoyens togolais et de la société civile, dans une attitude qui tout au long des Présidences Chirac Sarkozy et Hollande a consisté pour Paris à s’accommoder sans émettre la moindre remarque du statu quo politique au moyen de la contre-vérité et de l’absence de vérité des urnes dans toutes les élections qu’a connues le Togo sous l’ère Faure Gnassingbé et auparavant sous le règne d’Eyadema.
4- Pensez-vous que le Togo a besoin d’hélicoptères dans le contexte actuel où le gouvernement évoque une certaine sécurisation des côtes du Togo?
Lomé aurait parait-il donné des gages en avançant que les hélicoptères seraient essentiellement destinés à la surveillance des frontières et à la recrudescence des actes de piraterie dans le golfe de Guinée. Mais quels gages serait en mesure de donner Faure Gnassingbé ?, lui qui a toujours roulé dans la farine de manioc les togolais et les dirigeants étrangers, érigeant le mensonge d’état et éthique de gouvernement.
Avant d’être l’obsession des autorités togolaises la piraterie maritime est d’abord l’obsession des grandes puissances au rang desquelles la France et les Etats-Unis, pour la défense de leurs intérêts économiques et stratégiques dans le Golfe de Guinée. Les observateurs avisés ont pu mesurer qui était à la manœuvre en arrière-plan dans l’organisation du sommet de Lomé sur la sécurité qui aurait coûté plus de 13 milliards CFA au budget de l’Etat. Et qui aurait donné lieu encore une fois à des détournements massifs d’argent.
Il ne nous appartient pas d’évaluer la nécessité ou non d’ajouter des hélicoptères pour un montant de 10 milliards de F CFA à la charge des togolais, au dispositif de surveillance, pour seulement 55 km de côtes maritimes, venant s’ajouter à deux patrouilleurs neufs de type RB 33 vendus par la France ajoutés à deux autres patrouilleurs datant des années 1970 et à deux embarcations de type Defender offertes par l’armée américaine.
Dans la mesure où Faure Gnassingbé, soutenu par l’oligarchie, gouverne le pays dans la plus totale opacité, notamment celle des comptes publics il est difficile d’évaluer avec exactitude les nécessités ou non de se doter de tels équipements. Il est notoire qu’il n’y a malheureusement pas au Togo davantage de vérité des comptes que de Vérité des urnes notamment celle des comptes publics il est difficile.
En revanche compte tenu du service rendu il serait juste de mutualiser les coûts de la surveillance, et de les répartir, mais cette question n’est jamais abordée surtout de la part de ceux qui économiquement en tirent le plus de profit.
Mais il faut aussi revenir au contexte international et ne pas perdre de vue que les lobbies de l’armement sont aujourd’hui plus puissants que jamais, comme en témoigne le récent voyage de D. Trump au Moyen Orient qui lui a permis de signer pour 380 milliards de dollars de contrats avec l’Arabie Saoudite dont une large partie concerne des ventes d’armements à Riyad.
Dans ces affaires les peuples n’ont hélas pour l’instant pas leur mot à dire. Est-ce que les habitants de l’Arabie Saoudite ont besoin de 380 milliards d’équipements militaires, autant que les togolais dont plus de 60% vivent dans une pauvreté absolue ont besoin d’hélicoptères de combat ?
5- Parlons un peu d’actualité concernant le blocage des discussions autour de l’opération des réformes politiques à l’Assemblée nationale. L’opposition par de confiscation du pour par Faure Gnassingbé. Et finalement ANC vient de saisir la CEDEAO qui doit interpeller Faure à respecter les accords de L’APG.
Quelle votre lecture de la situation ?
Ecoutez Sylvain, ce n’est pas la première fois que nous abordons à ce micro cette problématique. L’Accord Politique Global (APG) est déjà vieux de onze ans, les togolais fêteront au mois d’août prochain, à l’évidence avec tristesse, le onzième anniversaire de sa signature.
Quoi que l’on puisse en dire, cet accord est un bon accord, parce qu’il examine et prend en compte la plupart des problèmes qui conduisent au blocage politique et qu’il est un bon support pour élaborer les solutions qui permettront de sortir de la crise politique qui n’en finit pas de durer. Et la situation de blocage du fonctionnement des institutions en raison du déficit démocratique qui en résulte.
En conséquence utiliser tous les moyens à disposition pour tenter d’obtenir son application pleine été entière, fait partie des obligations éthiques de toute force d’alternance politique qui se respecte. Mais il est permis de s’interroger sur l’efficacité de déplacer le combat politique du terrain autochtone vers l’extérieur, en appelant à la responsabilité des institutions internationales, au rang desquelles la CEDEAO, dont Faure Gnassingbé s’apprête à endosser l’habit de Président en exercice le 4 juin à Monrovia.
Comme tant d’autres institutions supranationales en Afrique, la Cedeao, fonctionne davantage comme un syndicat des présidents à vie [à quelques très rares exceptions près] que comme une institution démocratique. Dans ces conditions que pourraient attendre les togolais de F. Gnassingbé en tant que Président de la Cedeao alors qu’au Togo il ne respecte pas sa parole et refuse depuis onze ans d’appliquer l’APG.
La seule question qui importe c’est ce que pense le peuple du Togo de la manière dont Faure Gnassingbé conduit les affaires du pays et jusqu’où il est prêt à aller pour obtenir ce qui lui est dû ? C’est lui seul qui peut décider et finalement décidera.
Ainsi il convient de préparer les prochaines échéances électorales dans les meilleures conditions. Le peuple du Togo à travers toutes sortes d’initiatives et avec l’appui des mouvements citoyens non-inféodés au pouvoir doit prendre sa part de la préparation des scrutions législatif de 2018 et présidentiel de 2020 et en exigeant des partis politiques une préparation sans faille, pour, grâce aux moyens que permettent aujourd’hui les techniques de communication, obtenir qu’enfin au Togo après une attente longue de 44 ans éclate la Vérité des Urnes.
6-Quel doit être le rôle de la diaspora face à cette situation et votre mot de fin.
Ecoutez, les choses semblent bouger positivement du côté de la Diaspora.
Avec l’initiative du Consensus de Chicago la diaspora s’est enfin dotée après tant d’années de tâtonnement et de tergiversations d’un véritable outil de combat, au sens noble du terme.
Selon toutes probabilités avec ce nouvel outil Faure Gnassingbé devrait éprouver les plus grandes difficultés pour phagocyter cette initiative.
Nous encourageons le plus grand nombre de citoyens togolais de laDiaspora à prendre toute leur part à la réussite de cette initiative dans la durée.
J’adresse un salut fraternel à tous les auditeurs à Lomé et de la Diaspora.
Propos recueillis par Sylvain Amos
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C’était au micro de Sylvain Amos avec la collaboration de Sena Afeto, Siméon Atchakpa, Rodrigue Ahégo.