Le lieutenant-colonel Romuald Létondot l’aura appris à ses dépens: tout a changé, même en Afrique, à l’ère de la vidéo et d’Internet. L’officier français, expatrié de longue date dans plusieurs pays d’Afrique, a eu une altercation mardi, à Lomé, la capitale togolaise, avec un photo-reporter togolais. La scène, filmée par un cameraman de Reuters, a fait le tour d’Internet.
L’officier a été sanctionné aujourd’hui: rappel immédiat à Paris et dix jours aux arrêts. En clair, il fera un service normal mais n’aura pas le droit de sortir après ses heures de travail. «Une sanction disciplinaire pour atteinte au renom de l’armée française», a expliqué le ministère des Affaires étrangères.
Les propos du lieutenant-colonel, détaché à Lomé pour une mission d’audit, de conseil et de formation d’officiers et sous-officiers de l’armée togolaise, ne sont pas passés inaperçus : «Je m’en fous que tu sois de la presse, enlève cette photo. (…) Tu veux qu’on te donne un coup sur ton appareil ou quoi ? (…) Tu sais qui je suis? Je suis le conseiller du chef d’état-major de l’armée de terre. Tu veux que j’appelle le RCGP (Régiment des commandos de la garde présidentielle, NDLR), pour foutre un peu d’ordre là-dedans?» Et de demander aux gendarmes présents de mettre le photographe «en taule».
Romuald Létondot a présenté ses excuses mercredi au photographe, à Lomé, en présence du premier conseiller de l’ambassade de France. Puis il s’est présenté comme une victime, en répondant aux questions de L’Express. Une posture qui a incité le photographe, Didier Ledoux, employé par le quotidien Liberté, proche de l’opposition au Togo, à porter plainte, estimant que les excuses du militaire n’étaient pas «sincères».
Beaucoup d’internautes ayant lu notre post, hier, se sont posés des questions sur cette affaire. Pour répondre à “Adama” et “Elzevir”, l’officier français dément avoir été là pour superviser une quelconque opération de répression par les Forces armées togolaises (Fat) d’une manifestion de l’opposition. En effet, l’Union des forces pour le changement (UFC) conteste le résultat de l’élection présidentielle du 4 mars dernier. L’officier affirme être parti en ville pour «payer ses impôts» et régler quelques affaires administratives, à quinze jours de son départ du Togo. En chemin, toujours selon ses dires, son véhicule a été frappé par des jets de pierre des manifestants. Les opposants togolais savent très bien que la France a un programme de coopération militaire avec le Togo, et qu’elle a fermé les yeux sur les forts soupçons de fraude qui ont entaché les deux dernières élections, en 2005 et 2010.
Pour répondre aux internautes “Lemiere” et “Saint-Cyr”, des militaires français se trouvent au Togo dans le cadre d’une mission de coopération. Nous avons interrogé le ministère des Affaires étrangères sur ces accords, sans obtenir les précisions voulues: on sait juste qu’un accord de défense a été renégocié avec le Togo le 13 mars 2009, comme l’a souhaité Nicolas Sarkozy. Pour mémoire, après la mort du général Gnassingbé Eyadéma (au pouvoir de 1967 à 2005), son fils Faure Gnassingbé a fait un coup de force pour succéder à son père, et organisé des élections très contestées. Les violences post-électorales de 2005 ont fait 500 morts, selon les Nations unies. En vue des dernières élections, le 4 mars 2010, les forces de l’ordre ont été renforcées et formées, de manière à éviter le bain de sang. De 1200 policiers et soldats en 2005, elles sont passées à 6000 hommes cette année, uniquement armés de bâtons et de gaz lacrymogènes.
Sabine Cessou
Source : http://africa.blogs.liberation.fr/diplomatie/2010/08/sanction-pour-lofficier-français-au-togo-.html