Le procès de Kpatcha Gnassingbé ouvert le 1er septembre a été immédiatement reporté au 6 septembre. Le demi-frère du président togolais comparaît devant la Cour suprême de Lomé ainsi que trente autres personnalités civiles et militaires. Kpatcha Gnassingbé, ex-ministre de la Défense est accusé d’être le cerveau d’une tentative de putsch contre Faure Gnassingbé, à la tête de l’Etat depuis la mort de leur père en 2005. Le procès est donc ajourné à la demande des avocats de la défense.
A la mort du général Eyadema le 5 février 2005, dans l’avion qui l’amenait en Israël pour des soins et dans lequel il venait de rendre l’âme, les deux frères Faure et Kpatcha parviennent à se mettre d’accord sur la succession. D’après des sources bien informées, ce serait la femme officielle du général Eyadema qui aurait convaincu Kpatcha d’accepter que Faure prenne les commandes du pays.
S’ensuit le coup d’Etat, alors que la Constitution togolaise prévoit que le président de l’Assemblée nationale occupe l’intérim à la télévision nationale, les généraux font allégeance à Faure Gnassingbé. Kpatcha est à côté.
En avril 2005, Faure Gnassingbé se fait élire président de la République. L’opposition dénonce des fraudes massives. La contestation est réprimée dans le sang : il y aurait eu 400 à 500 morts selon une commission d’enquête des Nations unies. Kpatcha Gnassingbé est considéré comme l’un des principaux artisans de cette répression.
Ouverture d’une période de partage des pouvoirs
Faure est chef d’Etat, Kpatcha, puissant ministre de la Défense. Il prend une telle importance, que les Togolais le surnomment « le vice-président ». Aux législatives de 2007, Kpatcha Gnassingbé joue un rôle majeur pour la victoire du RPT, le parti au pouvoir. Lui même se fait élire député dans son fief de Kara, au nord du Togo. La présidentielle de 2010 approche et Kpatcha apparait de plus en plus aux yeux de Faure comme un rival potentiel. Le président Faure Gnassingbé décide de s’affranchir de l’emprise de son frère. Il limoge Kpatcha, il l’humilie même.
Kpatcha Gnassingbé ne semble pas réagir mais d’après ses proches, il envisage de faire chuter son frère par tous les moyens lors de la présidentielle prévue en 2010. Certains affirment qu’il pourrait se présenter, d’autres, qu’il pourrait s’allier à l’opposition. D’autres encore, estiment qu’il songe au coup d’Etat. Est-il vraiment passé à l’acte ? C’est bien toute la question, et de nombreux Togolais espèrent que ce procès apportera la lumière sur ce qui s’est réellement passé dans la nuit du 12 au 13 avril.
Cette nuit là, un escadron de la FIR, la Force d’intervention rapide commandée par le colonel Félix Kadanga qui n’est autre que le beau-frère des deux frères ennemis. La FIR donc attaque à l’arme lourde le domicile de Kpatcha, officiellement pour l’arrêter. Kpatcha Gnassingbé n’a la vie sauve que grâce à l’intervention du régiment blindé du lieutenant-colonel Rock Gnassingbé, un troisième frère. Kpatcha est finalement arrêté quelques jours plus tard, le 15 avril.
Deux ans après, les circonstances du coup d’Etat présumé restent obscures. Soulignant des rivalités croissantes entre les deux frères, des analystes estiment que l’affaire s’apparente avant tout à des règlements de compte familiaux. Face à une justice jugée peu indépendante, ils doutent que le procès fera réellement la lumière sur cet épisode.
Kpatcha Gnassingbé gardé au secret
Kpatcha Gnassingbé n’était pas en prison. Depuis son arrestation en avril 2009, il a été gardé au secret, dans les geôles de l’Agence nationale de renseignement. L’ANR, lieu où la torture sévit encore, selon les défenseurs des droits de l’homme. Il n’a reçu quasiment aucune visite que ce soit de sa femme ou de ses enfants. L’un de ses avocats, Maître Zeus Ajavon, a dénoncé à plusieurs reprises, l’illégalité de la situation. L’immunité dont Kpatcha devait bénéficier en tant que député du peuple n’a d’ailleurs toujours pas été levée. L’avocat a même déclaré que Kpatcha Gnassingbé était « le prisonnier personnel de son frère chef d’Etat ».
Le procès a lieu aujourd’hui, parce que le président Faure Gnassingbé ne pouvait pas garder son frère indéfiniment au secret. La présidentielle est passée, Faure a été réélu même si sa victoire est encore contestée par l’opposition. S’il organise le procès aujourd’hui, c’est surtout pour répondre aux pressions des chancelleries occidentales pour légitimer l’incarcération de son frère, d’autant que Kpatcha reste encore populaire à Kara, dans le nord du Togo.
Le procès sera-t-il équitable ? Les avocats de Kpatcha Gnassingbé en doutent. Ils estiment que le dossier de l’accusation est vide.
Source : http://www.rfi.fr/afrique/20110902-togo-report-proces-kpatcha-gnassingbe-6-septembre